Il n’est pas anodin d’habiter un champ de bataille, chaque pas vous menant droit dans la mémoire du lieu. Ainsi en est-il quelque part entre le carrefour de l’Ange gardien et Craonne, entre Ailette et Aisne, vers Soissons, vers Laon, sur le Chemin des Dames.
Un jour vous trouvez un paquet de cartouches, l’autre un fragment d’obus ou de douille.
En cet avril 2008 souvenons-nous du 16 avril 1917, dans le matin glacial quand des milliers d’hommes sautèrent le parapet des tranchées vers ce qui devait être une victoire, vers ce qui fut leur destin. Des milliers n’en revinrent pas.
Beaucoup auraient voulu la paix, beaucoup la trouvèrent dans la mort.
Quelques jours auparavant, le 5 avril 1917 à Paissy l’aumônier Pierre Teilhard de Chardin avait dit la messe dans l’une des nombreuses ‘creutes’ du village en grande partie détruit, grotte qui servait alors d’école et de chapelle.
« Demain, je pense dire ma messe près d’ici dans une caverne-chapelle bien entretenue. Il y a ici plusieurs aumôniers : un entre autres est typique et touchant : un vieux missionnaire, à longue barbe blanche, à bonne figure paternelle, qui s’appuie sur un bâton de 2 mètres de long, aussi patriarcal que sa personne. »
Pierre Teilhard de Chardin, Genèse d’une pensée, Lettres (1914-1919), Grasset, 1961.
Plus de documentation sur Teilhard de Chardin et le Chemin des Dames dans mon article publié dans le bulletin de la Société des Amis de Pierre Teilhard de Chardin ici :
http://www.teilhard.org/panier/P/site/ACTIVITES/Pierre-Teilhard-de-Chardin-et-le-Chemin.pdf
Dans la nuit du 16 avril 2008 lors d’une cérémonie simple et émouvante 2000 bougies furent allumées au pied de chaque tombe du cimétière militaire de Craonnelle et des chants basques résonnèrent dans les collines :
Ton article commence très agréablement par deux superbes paysages, idylliques même…
Et puis, tu te rends compte qu’en fait c’est de l’enfer dont tu nous parles et c’est la gorge serrée qu’on le termine.
PS : les sculptures de Christian Lapie n’étaient pas encore là quand tu as pris la photographie, je les aime bien, à cet endroit leur dimension sont à l’échelle du lieu et de l’histoire : http://www.christianlapie.net/site/article.php3?id_article=270
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L’enfer oui. Quelques soldats ont décrit dans leurs lettres l’opposition entre la beauté des collines, la paix qui s’en dégage et l’horreur de leurs jours. Les sculptures de Christian Lapie sont tout à fait à leur place ici, je reviendrai ultérieurement sur se sujet avec une note spécifique consacrée aux tirailleurs, et une autre au Musée de la Grotte du Dragon.
Que ceux qui ne connaissent pas viennent se rendre compte sur place. Pour les habitants du Chemin des Dames le 16 avril n’est pas un jour comme les autres, il est surligné de rouge sang dans leur agenda mental.
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En voyant ce paysage on a le souffle en est coupé, le temps semble avoir suspendu son vol…
On imagine avec peine combien des hommes ont du souffrir et perdre ici la vie.
La beauté ne préserve malheureusement pas de tout….
Et il est important de se rappeler de ces pages d’histoire.
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Je me souviens avoir lu, il y a quelques années ce recueil de « Lettres de poilus », dans une édition de poche, et surtout de l’immense émotion ressentie à la lecture de ce gachis innommable que fut ces millions de morts! Il m’arrive de me questionner sur ce qu’ils penseraient de ce monde dans lequel nous vivons, ceux là qui sont morts pour que nous puissions être libres. Et parfois aussi, j’ai honte !
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Ici sur le Chemin des Dames s’il nous arrive aussi d’avoir honte nous tentons de prendre en compte les différentes approches laissées par les Poilus au travers de leurs témoignages. Aussi englobons-nous fréquemment dans une sorte de mémoire collective et les héros malgré eux ou volontaires et les mutins convaincus de l’inutilité des guerres et écrasés du poids de l’horreur quotidienne. Le 16 avril 2008 eurent lieu à Craonne et Craonnelle des parcours et des moments forts et beaux. Ce matin au Mémorial de Cerny se déroule une cérémonie annuelle du souvenir. Car ici l’oubli est une case vide dans notre mémoire.
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