Concomitance et muguet (suite)

      Poursuivre l’action de regarder au-delà des brins du muguet, s’échapper du grillage rassurant qui supporte la clématite mais empêche l’aller et venir.

clématite 

     être attiré par un premier appel puis voir dedans, s’immiscer. Ainsi mon oeil est-il d’abord intrigué par cette chandelle verte qui émerge parmi le lierre, les aspérules, jeunes orties et vertes herbes. Puis m’approchant je vois certaines de ces bougies chlorophyllées entr’ouvertes et suis sûr que si j’étais un moucheron je tomberais dans le panneau, en fait l’entonnoir. A voir donc de plus prêt.

inflorescence du gouet  spathe du gouet  spathe et moucheron

     N’étant point mouche je découpe l’enveloppe et découvre ce piège bien surprenant. En effet l’insecte explorateur est d’abord retenu par une barrière de poils puis des fleurs mâles plus ou moins flêtries avant de marcher sur le rideau de boules des fleurs femelles. Quelle affaire ! Impossible de sortir. Puis deux ou trois jours plus tard l’enveloppe s’avachit, tout se rétrécit et la bestiole peut s’échapper.

pièces florales du gouet  gros plan sur les fleurs du gouet

     En fait les fleurs mâles sont actives avant les femelles et le visiteur tentant de fuir s’est frotté sur les étamines chargées de pollen. Puis s’est échappé à la première faiblesse de l’enveloppe. Il recommence son manège intéressé par l’odeur du cornet. Et là il se fait prendre à nouveau dans une deuxième inflorescence qu’il vient naturellement féconder en se frottant sur ses pièces femelles mûres. Et ainsi de suite. Belle invention ou adaptation des plantes durant les millénaires de l’évolution que l’inspection attentive d’un pied de gouët ou pied-de-veau ou arum tacheté (Arum maculatum) nous fait comprendre. Dans quelques semaines ne dépassera du sol qu’une tige surmontée d’un décor de boules rouge-orangé : on ne sait pas toujours que ce sont les fruits toxiques de cet arum.

fruits du gouët en août

     Vous pouvez voir cette aquarelle et d’autres de plantes du bord des chemins sur le site internet que j’ai construit vers 2000 ici :

http://jpbrx.club.fr/arum.htm

     Dans le sous-bois, aux abords ou dans le savart les premières orchidées tout juste en boutons apparaissent. Ce sera l’occasion d’autres découvertes et peut-être émerveillement dans une note à venir. Admirons seulement ce jour, en conclusion, les fleurs de l’Orchis purpurea et celles non écloses de la listère à feuilles ovales = Listera ovata :

   Orchis pourpre

Listera ovata

     Vous êtes d’ordinaire aimables et indulgents envers l’auteur -ce pourquoi je vous suis reconnaissant, mais je vous recommande de délaisser la magie virtuelle de l’écran pour aller dans la nature, in situ, examiner de près ces ‘curiosa’ car rien ne vaut l’observation personnelle et le contact des choses : cela seul fait éclore des sentiments aptes à déclencher de fertiles passions. Car comme il est écrit magnifiquement ci-dessous :

     « C’était là que parfois, le samedi après-midi, les grands de l’école partaient pour une étude appelée leçon de choses, et je n’ai compris que plus tard combien les choses en effet ont à dire pour ceux qui les voient. »

Pierre Moinot, La Saint-Jean d’été, Gallimard, 2007

le fait de savoir observer et rendre compte est la clé de tout enseignement. Il est impératif devant le déferlement virtuel -dont pourtant j’use et abuse- de revenir à cette réalité, passionnément.

6 réflexions au sujet de « Concomitance et muguet (suite) »

  1. Mathilde

    Judicieux conseil que le vôtre , que je m’accorderai à suivre sans problème (en faisant simplement attention où je mets les pieds !)
    ..
    « Elle aime les roches nues, la lumière qui s’y allume et s’éteint au passage des nuages. Comme un sourire dans un oeil. Elle aime les pierres et les fleurs douces et ce peu de silence sous la voûte azurée  »
    ..
    Vous accepterez bien un brin de poésie ? (sourire)

    J’aime

    Répondre
  2. Voirdit

    J’accepte volontiers, avec plaisir de plus. La poésie jette de la beauté là où elle s’épanche et complète donc des photos sensées dire la splendeur de quelques rencontres au cours de mes pas. Merci Mathilde pour ce geste. Pas assez cultivé je n’ai pas trouvé l’auteur(e).

    J’aime

    Répondre
  3. voirdit

    Merci pour votre réponse Mathilde. J’avais pensé qu’il aurait pu s’agir d’Antonio Tabucchi dans Les oiseaux de Fra Angelico. La mémoire est mauvaise conseillère, ne s’y fier qu’en cas de certitude après le ‘par coeur’.

    J’aime

    Répondre
  4. Rossignon

    J’ai particulièrement apprécié la référence subtile à Matthieu, 6 : cette divine nature doit faire l’objet de nos soins, mais la pure jachère est un mythe…Idem pour le débat, les idées ne naissent que par le travail, la parabole des talents invite à la responsabilité. Mais, comme chez le bonhomme La Fontaine, le « naturel » consiste à ne pas exhiber l’effort et à faire croire à la facilité. Question d’élégance…
    Merci de nous faire découvrir des coins et recoins de nature.
    Bernard

    J’aime

    Répondre
  5. voirdit

    Bonne surprise de vous trouver ici cher Bernard ! Sur ces sujets de nature et responsabilité humaine deux ouvrages ont plus spécialement retenu mon attention ces années dernières : Luc Ferry, Le nouvel ordre écologique, Grasset, Paris, 1992 et le très radical : François Terrasson, La civilisation anti-nature, ed. du Rocher, 1994. Votre remarque sur l’élégance de l’apparente facilité n’est pas à négliger en la matière et je ne l’ai pas vu exprimée souvent. En peinture je songe à Whistler, parmi d’autres et géographiquement plus proche de moi, Robert Antral ou Luc Lepetit. Songez ou peignez bien, amitiés entoilées ou si c’est possible, étoilées.

    J’aime

    Répondre

Laisser un commentaire