En dessous d’ailes : papillonnons !

     Selon les années, le temps qu’il fait, nous voyons plus ou moins de papillons. Cet été est favorable à certains, à ceux que l’agriculture des trente dernières années a laissé en vie en dépit de la restriction considérable des étendues végétales variées d’antan. Alors ne boudons pas notre plaisir d’observer des dessous d’ailes affriolants sans doute pour les ressortissants de cette cohorte ailée.

     Le plus brillant représentant de la famille, sous nos latitudes, est probablement le Machaon (Papilio machaon),  Grand Porte-queue remarquable, qui avec son cousin « le Flambé » apprécie hautement le vol à voile alentours des collines orientées au sud. Les naturalistes décrivent l’action ainsi : « hill-topping ». Chez moi ils se contentent de parader, planer, virevolter de capitules en épis floraux. Des jaune, azur et orange, ainsi que d’autres couleurs, emprisonnées entre des lignes noires de sertissage, comme le seraient des émaux cloisonnés, magnifiques et qui, soudain, s’animeraient. Pour moi son retour annuel évoque les jours d’été de l’enfance quand, alors nombreux, les machaons et leurs alliés ailés comblaient de satisfaction mes escapades à « l’Abondin », colline sacrée vaillysienne. Là, de grottes en savarts, d’histoire guerrière en observations pré-naturalistes, je tentais passionnément de comprendre le monde. Si ce lieu fut en quelque sorte initiatique pour quelques gamins de Vailly-sur-Aisne, il le fût parce qu’il présente un paysage lié à la Grande Guerre et que de ce lieu on voit bien : un « mirabeau », un « mons mirabilis ». Pour moi il était de plus lié à toute bête des savarts et les grottes voisines servaient de terrain d’expérimentations diverses. Vincent, un ami correspondant l’a évoqué ici, dans un projet de vidéo : http://sites.google.com/a/excentric-news.info/sous-le-clavier/accueil/horizontalite

     Je comprends mal pourquoi de nos jours, la soif de connaître puis le bonheur de goûter qui s’en suit, semblent avoir déserté nos campagnes et nos villes. Il me semble pourtant que dans cette évolution néfaste l’histoire a moins souffert que l’histoire naturelle. C’est pourquoi ces jours-ci j’apprécie d’autant mieux la lecture des lignes de M. Yves Delange, éminent naturaliste botaniste qui s’est dernièrement intéressé à la quasi disparition de l’enseignement des sciences naturelles : « Plaidoyer pour les sciences naturelles » … , introduction par Richard Moreau, chez l’Harmattan, 2009.  A méditer pour s’engager à inverser la tendance autant que faire se pourra !

dessus et dessous d'ailes du Machaon

     Une migration abondante de Vanesses Belle-Dame (Vanessa cardui) nous vaut la présence d’une multitude de ces papillons actuellement. Ils sont si nombreux à la mi-journée sur les buddleia (voir plus bas) que j’entends le froissement de leurs ailes en un froufroutement gracieux dans les senteurs miellées que le zénith solaire avive. Ces Vanesses nonchalantes, comme les Vulcains et les Paons du Jour de leur cour, aiment se poser au sol de temps à autre et ployer leurs ailes en lents battements qui recueillent la chaleur et la renvoient vers le thorax.

Vanesse Belle-Dame

lumière arrière comme s’il s’agissait d’un vitrail

dessous de Belle-Dame

dessous d’appas autrement mis en valeur, et en dessous, le feu du Vulcain (Vanessa atalanta) enflamme les coeurs, alors que les dessous d’un Azuré laisseraient de glace ? :

dessous du Vulcain

dessous d'aile d'un Azuré

et le Demi-deuil (Melanargia galathea) alors, ferait-il tout à demi, lui qui a de quoi satisfaire le verrier ?

dessous du demi-deuil

     Quant au Citron (Gonepteryx Rhamni), reconnaissable à sa couleur et à la délicate découpe de ses ailes, il préfère généralement ne montrer que ses dessous, agrémentés de deux points orangés. Sans doute l’avez-vous déjà rencontré au printemps avec ses compères du jaune, le Soufré, le Souci et le Fluoré.

papillon Citron

     D’autres encore présentent des dessous plus discrètement colorés,notamment parmi les membres de la famille des Nymphalidae. Leur détermination passe souvent par l’examen de leurs dessous. Je ne peux déterminer par la photographie les deux exemplaires ci-dessous (Myrtil et Tabac d’Espagne, avec grande réserve ?)

Tabac d'Espagne ?

     J’espère que cette longue présentation des dessous d’ailes, accompagnée de noms parfois curieux tant en français qu’en  latin, vous donnera, qui sait ? l’envie peut-être un jour ou l’autre, de mettre un nom sur ces insectes aimés des enfants et qui animent tant nos journées estivales. Les plus motivés pourraient du reste participer à l’opération de comptage dirigée par le Muséum National d’Histoire Naturelle et Noé Conservation, qui vise à mieux quantifier la présence de nos papillons les plus répandus, en nombre d’espèces limité, et accessible à tout un chacun. Y prenant part je peux vous signaler que le plus grand nombre de Vanesses Belle-dame rassemblé simultanément en un seul lieu en juillet fut de 28.

C’est ici : http://www.noeconservation.org/index2.php?rub=12&srub=31&ssrub=98&goto=contenu

Et pour conclure cette note : pages blanches ou pages jaunes ?

Jules Renard, Histoires naturelles, le papillon :

         « le billet doux, plié en deux, cherche une adresse de fleur. »                        Ed. FR Gallimard, 1967, p.117   

     Les aurait-il chassés ?  Sisley a peint cette scène élégante que j’ai photographiée depuis un calendrier édité par la Compagnie Electro-Mécanique en 1973. Ludique plus que prédatrice sans aucun doute, sur fond musical de Schubert peut-être (« der Schmetterling ») ou de Debussy ou encore Chausson inspirés par Théophile Gautier.  A vous de voir, d’écouter ou de lire.

Sisley, chasse aux papillons 

               

8 réflexions au sujet de « En dessous d’ailes : papillonnons ! »

  1. jeandler

    Au XVIème siècle, le terme d’ Histoire Naturelle désignait toutes les sciences de la nature, les dures comme les molles. Progressivement, chacune d’entre elles revendiquant son autonomie, ont prises leurs distances. Puis survint la Biologie qui porta l’estocade à la moribonde…

    Le naturaliste, dans tout cela? On voudrait en faire un fossile (en sursis). Pour combien de temps.

    Le buddléia ou arbres aux papillons est une aubaine pour l’amateur.

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  2. voirdit Auteur de l’article

    Merci Pierre pour ton commentaire historique et humoristique. Il est certain que parmi les plantes et arbustes mellifères le buddliea est sans doute l’un des plus attirants pour les papillons. Actuellement les menthes, lavandes et knauties ont également leurs tables bien garnies.

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  3. voirdit

    Merci de votre appréciation mais je ne peux que ‘vous retournez l’appareil’, les photographies que vous publiez dans votre blogue, OneClicaDay mentionné dans mes liens étant elles aussi de grande qualité et publiées en série thématique sur plusieurs jours, ou à l’unité. Je conseille à mes lectrices et lecteurs de se rendre une fois ou l’autre sur votre blogue pour ‘juger sur pièce’. Amical souvenir, JP

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  4. Cantabile

    Merveilleux papillons… pas faciles à « saisir » en photo !
    J’ai pu voir des « flambés » cet été en Charente mais pas de « machaon »
    Par contre j’ai eu la chance de trouver par terre, sur un chemin une chrisalide et j’ai attendu patiemment : est sortit un sphinx de la vigne (c’est Pascale qui m’a donné son nom…) j’ai pu, à loisir prendre des photos… mais n’ai pas pu voir son envol.
    http://textures.over-blog.com/article-35260603.html

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  5. DELANGE

    Merci pour les mots aimables que vous écrivez me concernant ou relatifs à mes écrits.
    A présent retraité, je vis à Fontainebleau depuis 1994. A cette époque, nous pouvions ici voir quantité d’insectes, des vols de lucanes et de hannetons passant au-dessus de la ville. Dans certaines clairières de la forêt, nous pouvions observer des Ammophiles et des Bembex revenant à leur gite souterrain. Il y avait quantité de bousiers récoltant des déjections sur le sol des allées cavalières, mais presque tout cela a disparu. Ces coléoptères qui recyclent ces matières meurent les uns après les autres car les vétérinaires prescrivent systématiquement des antiparasites pour les chevaux.
    C’est à un rythme effréné que la les milieux naturels dégénèrent, ou deviennent stériles sur notre planète. A vous bien cordialement. Yves Delange.

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    1. voirdit Auteur de l’article

      cher Monsieur,
      Je constate comme vous ce que je considère comme un trésor légué par les générations précédentes, assez peu dépensé jusque-là bien que l’hominisation semble peu compatible avec la conservation des espèces, exceptées certaines civilisations de faible densité humaine. Mais depuis une trentaine d’années l’extermination des espèces animales a pris tournure nouvelle, désastreuse. On en connaît peu ou prou les raisons que révèlent nombre de naturalistes. Qu’est-ce qu’un naturaliste en regard des grands groupes industriels, des cercles financiers et par contamination excessive, des politiques de haut niveau hiérarchique ? Un doux rêveur ou un « écologiste » qu’il faut combattre. Jusqu’à la catastrophe annoncée qui seule pourra renverser la tendance. Sera-t-il encore temps ? Je l’espère de tout coeur. Continuez votre combat pour l’amour de la nature et donc celui des hommes de bonne volonté, je vous en remercie chaleureusement.

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