Sommereux, sa main c’est le pied !

De passage dans le canton et à Grandvilliers (Oise) j’ai à coeur, sur avis familial de bon conseil, de visiter rapidement, en une première approche, deux églises voisines. Celle de Le Hamel et celle de Sommereux. La première est connue pour un pélerinage à Notre-Dame issu d’une légende médiévale revivifiée au XVIe siècle, la seconde pour être celle d’une ancienne commanderie du Temple (1). Comme il arrive aujourd’hui le plus souvent l’une était ouverte et l’autre non. Je n’évoque pas Le Hamel, bien que l’édifice, son contenu et sa légende le mériteraient -ce sera pour une future note de blog. En revanche la lumière blanche émanant de la pierre de Sommereux sur le fond presque anthracite des nuages de mars en giboulées m’incita à contourner l’édifice, faute de pouvoir entrer sous les voûtes ancestrales. Bien m’en a pris. Sur le revers d’un contrefort d’angle du choeur une pierre attire mon regard. Elle porte une main tracée au contour comme on en voit dans certaines grottes préhistoriques et dans l’art rupestre en général, voyez plutôt :

une main dessinée au contourFortement intrigué je commence par examiner d’autres pierre alentour. Certaines portent le même type d’oxydation ou d’enduit ancien (à vérifier ultérieurement par un examen plus poussé) présent sous forme de lambeaux. Celle où figure la main a été dégarnie de ce revêtement superficiel pour tracer ce dessin en relief à peine décelable à la vue mais bien sensible au toucher. La petite taille de cette main ne peut être que celle d’un jeune enfant. Le dessus de cette main a été de même dégagé dans la masse brune pour y implanter une croix. Assez souvent les pierres extérieures des églises, à hauteur d’homme là où fut autrefois le seul cimetière autorisé, présentent des graffiti avec noms, dates, croix ou, plus rarement, d’autres motifs. Je n’ai pas mémoire d’avoir rencontré ailleurs une main de cette sorte.

doigts, main, croixHypothèse :

La plus probable est que cette gravure soit le témoignage d’un ensevelissement d’enfant au pied de cette main et de cette croix. Certaines coutumes locales font état de la volonté d’inhumer aussi près que possible des murs du lieu sacré. Assez souvent ces témoignages émouvants de pratiques désormais oubliées, dont ces tracés de signes divers, semblent être assez répandus entre le XVIIe siècle et les premières décades du XIXe siècle. Intervalle bien large qu’une étude attentive des églises rurales du secteur permettrait sans doute d’affiner.

Quoi qu’il en soit nous sommes en présence d’un émouvant témoignage, de la formulation iconographique d’un espoir qui fait suite à la désillusion en ces temps où la mortalité infantile et celle de l’enfance atteignait des proportions que seules les régions les plus déshéritées du globe connaissent encore. D’où le clin d’oeil du titre qui n’est pas provocation gratuite mais rappel. Ou encore compassion mémorielle si cela se peut et mise en perspective : nombre de nos contemporains n’ont cesse de se lamenter alors que leur sort est infiniment meilleur que ne fut celui de nos ancêtres pas si lointains… Peut-être parce que l’absence de sens propre à la post-modernité a englouti tout espoir d’au-delà meilleur ?

(1) cette commanderie est attestée entre 1160 et 1180 environ, puis documentée encore en 1280 (mention de la chapelle du temple) et 1288 par le don de la motte d’Araines, paroisse de Rogy, Somme, à cette maison par Robert de Catheux.

4 réflexions au sujet de « Sommereux, sa main c’est le pied ! »

    1. voirdit Auteur de l’article

      Je souhaite que cette note trouve une réponse, car cette représentation symbolique, si elle n’est pas unique, n’en est pas moins très rare puisque rien de semblable n’apparaît pour l’instant parmi les nombreux graffiti recensés sur les murs extérieurs des églises. A suivre donc et à transmettre autour de vous.

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