A Laon, les boeufs.

Connus bien au-delà de ‘la Montagne couronnée‘, de ‘l’Acropole à la française‘, depuis que Villard de Honnecourt les a dessinés au début du XIIIe siècle, les seize boeufs laonnois, depuis l’étable du ciel, guignent les nouvelles du monde, les colportent vers l’infini.

planche extraite de l'ouvrage : la sculpture de la façade de la cathédrale de Laon, op.cit.

planche extraite de l’ouvrage : Alain saint-Denis et al., Laon, la cathédrale, op.cit. p. 53

Leur raison d’être ? Ils ne l’ont pas meuglée. Elle est visible entre les cornes, devant le joug mais l’apprivoisement est nécessaire, au-delà du métier de bouvier. Auxiliaires précieux des bâtisseurs, tel pourrait être le premier motif, en une forme d’ex voto. Certainement pas l’unique élément. La Bible, dans son premier temps, fournirait une citation dans le Livre des Rois. Spectacle différent, puisque, comme chacun sait, les boeufs ne sont plus des taureaux et qu’il est question de taureaux dans les Rois ! La vraie réponse est probablement celle que livre Iliana Kasarska (mention déjà portée avant cette auteure par Alain Saint-Denis, Martine Plouvier et Cécile Souchon, dans Laon, la cathédrale, Zodiaque, 2002, p. 55) dans sa remarquable et savante étude de « La sculpture de la façade de la cathédrale de Laon, Eschatologie et humanisme », Picard, 2008, 269 p., p.120.

Elle relate un épisode rapporté par Guibert de Nogent dans son ouvrage autobiographique, au passage relatif au voyage des chanoines de Laon en France et en Angleterre, lorsqu’ils présentent des reliques au peuple afin de  recueillir des fonds destinés à la construction de leur cathédrale. A leur retour en France l’un des chanoines chargé du transport des matériaux vécut l’épisode suivant : … »comme il gravissait une montagne avec son char, un de ses boeufs tomba de lassitude ; lui se donnait une grande peine, ne trouvant pas un autre boeuf à mettre à la place de celui qui était épuisé de fatigue ; tout à coup il en arriva un en courant, qui par une sorte de combinaison réfléchie, se présenta pour prêter son secours à l’ouvrage commencé ; … …[après quoi] sans attendre ni conducteur ni menaces, il s’en retourna promptement à l’endroit d’où il était venu. »

Guibert de Nogent, de vita sua, par A. Bouxin, 1902, p. 121

Certes l’événement n’est pas contemporain de la cathédrale que nous voyons de nos jours puisqu’il se situe en 1113 et non à la fin du XIIe siècle. Mais il ne fait pas de doutes que ce miracle participe totalement de la culture laonnoise, au moins chez les clercs du XIIe siècle. En tout cas l’hypothèse d’Iliana Kasarska et des historiens, est à conserver précieusement tant qu’une autre piste ne sera pas découverte.

ElevationFacadeBoeswillwald1847Waquarelle de Boeswillwald, 1843, extraite de Iliana Kasarska, op. cit., p. 16, M.H. 4010

Ces cornus beuglants s’associent dans ma pensée pour offrir à mes lectrices et lecteurs cette carte de voeux si embuée, de nuit, que ces animaux semblent s’être cachés. Mais non, après des siècles ils continuent d’inspirer les heures laonnoises.

cathédrale de Laon la nuit

4 réflexions au sujet de « A Laon, les boeufs. »

  1. Philippe de Bois-Guillaume... sur les traces de Guilbert de Nogent

    Ce 3 janvier 2015
    La cathédrale de Laon, majestueuse et mystérieuse, ne finira pas d’inspirer les artistes : Robert Delaunay au début du XXè siècle et, plus près de nous, le poète créateur de cette image tremblée de mystère.
    Imaginons des curieux se penchant, dans quelques dizaines d’années, sur ce « Voir et le dire. mais comment ? ». Assurément, le passé a ici de l’avenir.
    Amical salut aux lecteurs présents et à venir.

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    1. voirdit Auteur de l’article

      Robert Delaunay rejoint en esprit la conception des bâtisseurs par la rigueur et la solidité de ses formes ; sa toile de la cathédrale de Laon a été retenue parmi les affiches en vente à l’Office de Tourisme de la ville. Merci pour le ‘Voirdit’ et son avenir supposé, il ne rejoindra jamais la longévité dudit édifice, sans présumer du fond la forme virtuelle a ses faiblesses.

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    1. voirdit Auteur de l’article

      Il est bien connu que souvent sur le parvis des cathédrales le vent se fait sentir avec froideur et fureur. Le fait est très sensible à Laon à cause de la situation exposée de la butte. Heureusement que le vent n’a pas soufflé assez fort, c’est assez de ne plus dans les prés, ou si peu, de bêtes encore cornues… Quelle déception si nos boeufs laonnois venaient à perdre les leurs. Bonne année, sans vents tempétueux !

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