Giboulées en février

ça se couvre !« Le temps se couvre, ça se gâte ! Entend-on sur le zinc, en même temps que : « y a plus de saison ou le temps est détraqué ! » Fichtre alors. Serait-ce un effet du réchauffement climatique qui déclenche un mois à l’avance ces célèbres perturbations cycliques nommées ‘giboulées de mars‘ et que nos voisins anglais si originaux de caractère disent d’avril ?

Toujours est-il qu’hier 12 février et déjà lundi et mardi dernier des nuages chargés de lourdes gouttes puis de grésil lachêrent sur nos contrées de copieuses draches ; cette fois c’est le Belge qui s’exprime dans ce terme évocateur, allusion certaine à ces autres tournures signifiantes de « vache qui pisse » ou de « bâche qui perce« . Le mot ‘giboulée’ serait quant à lui la déformation de l’occitan « giaconda« .

De l’horizon sud, entre Mont de Fléau et Plateau de Madagascar qui bordent les rives de l’Aisne au niveau de la bourgade Bourg-et-Comin cavalcadent vents et nuées qui voilent d’or un pâle soleil d’hiver.

averse

entre or et nacre on ne sait trop qu’admirer en premier

Puis s’exprime le déluge, la vitre extérieure du double vitrage en est toute troublée tandis que le cliquetis léger propre au grésil grésille. Derrière le rideau de pluie le paysage a disparu de ma vue.

la drache

Cependant le filtre polarisant, ajouté au violent contre-jour, produisit un bokeh inattendu bien que prévisible : la faible lumière d’hiver impliquait une grande ouverture et donc une courte profondeur de champ favorable à ces effets parfois agréables. Au reste, une fois le soleil en faction cet effet se teinta, en rappel à la situation antérieure, de merveilleuses franges dorées.

L’atmosphère lumineuse me renvoyait alors de mémoire au Victoria and Albert Museum vers les toiles ‘atmosphériques’ de Frederik Walter, imprécises dans mes souvenirs, tandis que la forme des gouttes déformées en pastilles et leur positionnement sur la toile

gouttes d'or me rappela immédiatement une oeuvre de Redon que je savais où trouver. Cela se fît en effet lorsqu’ayant tiré d’un rayon l’ouvrage : « Redon » par Anne Marie Mascheroni, Edda Fonda et Florence Cadout, CELIV, 1989, n°44, je découvris de nouveau avec plaisir la toile intitulée « l’Arbre rouge » sur laquelle la floraison disperse sur les branches des gouttes florales argentées si proches de celles dorées de la vitre :

Odilon Redon, l'Arbre Rouge

Odilon Redon, l’Arbre Rouge, collection particulière.

Tout cela parce que mémoire et instant se confondent à la faveur de variations ‘climatériques’ infinies et que les sentiments qui affluent en surface de pensées s’alimentent dans les mélanges de tonalités que culture et événements tricotent sur une trame légère et aussi mouvementée que nos giboulées de mars qui pointent le museau en février.

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