Le chevet actuel de l’église et son abside, ainsi que l’essentiel de la façade, sont les rares parties architecturales peu endommagées par les combats entre septembre 1914 et octobre 1918. Les autres éléments de cet édifice ont été détruits presque entièrement. De nombreuses photographies prouvent cet état de fait. Un état avant la guerre, un autre du début de la Reconstruction et une photographie de 2020 illustrent ce propos.
avant la Grande Guerre
après les destructions
au début de la Reconstruction
Une dizaine d’articles ont été publiés sur cette église, quatre retiennent l’attention et sont précieux pour l’étude historique, d’autant plus qu’une analyse ‘archéologique et monumentale’ n’est plus possible après les destructions. Ces travaux sont ceux de l’abbé Ribaux (1850) curé-doyen de la paroisse, de l’historien et historien de l’art Eugène Lefèvre-Pontalis (1896 et 1911) et du professeur d’histoire de l’art Dany Sandron (2001). L’église étant d’importance pour l’histoire de l’art du Soissonnais et du Laonnois, de multiples citations de références et comparaisons se rencontrent ici et là dans les publications spécialisées.
Le chevet a la rare particularité d’être habilement orné et décoré tant dans ses baies, voussures et chapiteaux que dans sa statuaire dont la place en cet endroit est exceptionnelle. En effet deux figures de saints regardent vers le levant et encadrent une baie qui éclaire les combles du chœur ; elle est de nos jours garnie de vitraux en grisaille à découpe losangée. Le vocabulaire ornemental est typique du style dit de transition et est contemporain de la façade sur ses trois premiers niveaux. Cette statuaire étrangement positionnée est-elle à sa place d’origine ? Il n’est pas possible de répondre.
Quant aux personnages figurés ils n’ont jamais été identifiés avec certitude. La plupart des auteurs ont évoqué les noms de saint Précord (patron de l’église du hameau éponyme) et saint Crépin patron de l’abbaye soissonnaise qui reconstruisit et transforma en prieuré cette église qu’il présentait auparavant à la cure, en 1184. Elle semble faire suite à une ancienne église sous le vocable de saint Michel et située au milieu de la rue Alexandre Legry.
Une observation attentive à la jumelle, suivie de photographies au téléobjectif me permet d’attribuer désormais à saint Pierre et saint Paul ces statues. Comme on le constate sans peine saint Pierre tient en mains les clés du Paradis, de longues clés comme celles que l’on découvre dans les fouilles médiévales pour le XIIe siècle ; il est barbu et chevelu.
saint Pierre tient les clés
En symétrie par rapport à la baie centrale saint Paul semble présenter un front dégarni et surtout porte le Livre des Ecritures. Ces statues sont placées sous des dais à tourelles typiques de l’art de cette époque et surmontent chacune un monstre à la gueule ouverte qu’elles maîtrisent. Certes l’attribution à saint Paul, vu l’état de la sculpture, n’est pas immédiate, mais la certitude de la présence de saint Pierre légitime cette affectation à deux saints honorés et associés sous la même dédicace commune : Saint-Pierre et Saint-Paul, représentative du culte chrétien en Gaule depuis la fin de l’Antiquité.
saint Paul présente le Livre (sculpture très érodée)
Saint-Pierre et Saint-Paul
Cette attribution ajoute à l’intérêt historique de la ville, l’une des villes d’importance dans la région entre la fin de la période carolingienne et la fin du Moyen-Âge. Il ne fait aucun doute que l’abbaye Saint-Crépin-le-Grand a voulu témoigner en ce lieu de sa puissance matérielle et de sa présence intellectuelle en cette ville limite d’influence entre l’évêque de Soissons et les chanoines de Laon qui développent à proximité et en même temps un vaste programme de construction d’églises.
chevet, le 4 juillet 2020