Sexe et nature = sagesse ou précaution de l’orvet ?

Il est impératif que la reproduction fonctionne au mieux dans le grand jeu de l’évolution. A cette fin l’orvet mâle a plus d’un tour dans son sac et même, plus d’un pénis en main, si l’on peut formuler ainsi.

Entre avril et juin, le ‘serpent de verre‘, ‘orvet commun ou orvet fragile’ Anguis fragilis, ainsi nommé parce qu’il a la possibilité de s’autoamputer de la queue, une fois son corps réchauffé et ses sens de même, a coutume de s’accoupler. Opération discrète, plutôt longue et laborieuse, rarement vue, que l’on devine tortueuse, sinueuse, et reptilienne pour ce… lézard sans pattes. Comme l’animal ne peut savoir dans quel sens vont se positionner les corps qui s’enroulent l’un dans l’autre, c’est-à-dire l’un autour de l’autre, mère nature a paré un échec possible de l’entreprise au cas où le positionnement serait défectueux. Le mâle attrape la femelle derrière la tête dans sa gueule, ce qui crée apparemment un ancrage à peu près sûr et stable. A partir de là l’enroulement a lieu.

La queue d’un individu est cassée. Est-ce lors des enroulements de l’accouplement ou lors d’une bagarre antérieure ?

Cette série de photographies montre bien la difficulté pour la bête de prévoir par avance une connexion satisfaisante, à moins que les deux protagonistes ne connaissent leur ‘Kama Sutra’ par coeur…

Mais j’ai laissé entendre que la nature pouvait d’elle-même aider. Voyons comment. La réponse est en fait très simple, il suffit d’y penser. On sait par exemple que certaines inventions technologiques humaines, pointues et très onéreuses, jugulent la déficience potentielle du système en doublant les organes sensibles. Et bien chez l’orvet c’est la même chose. Pas de quoi en faire un plat, pas de quoi jouer des biceps et se parer des plumes du paon, il suffit d’en avoir deux, l’un servant de dépannage au cas où. Les zoologistes les nomment hémipénis, pourquoi pas. En résumé, si l’affaire ne tourne pas rond, pas comme prévu, l’outil de gauche remplacera celui de droite et l’affaire est dans le sac. Voici en images (rappelons que les photographies de ce blog ne sont pas libres de droit) ce que cela donne et remplace ce long discours :

hémipénis de l’orvet mâle, ici en cours d’érection

De plus, comme ça gigote beaucoup dans tous les sens deux précautions valent mieux qu’une et un gros plan montre que le pénis de la bête est hérissé de petits crochets qui assurent une sorte d’accroche. Décidément M. Orvet est plutôt bien équipé !

on remarque parfaitement ici la sphère globuleuse hérissée de pointes, pas de doute, ça doit tenir.

Encore une promenade autour de mon jardin qui montre l’intérêt de l’observation fine et patiente. Après chacun dispose de bien des moyens de le faire savoir, afin que nul n’ignore les finesses et adaptations étonnantes de notre environnement naturel. Rappelons à cette occasion que l’orvet est utile et que sa vie est menacée par l’emploi des pesticides et herbicides qui anéantissent ses proies, que son domaine de prédilection est un environnement varié et point trop entretenu et que s’il vous fait peur c’est parce que vous avez tendance, spontanément, à la ranger dans la famille des serpents. Et quand bien même il en serait ce ne serait pas une raison suffisante pour le détruire. Une remarque : depuis trois années je ne vois plus guère de couleuvres là où me conduisent mes pas presque chaque jour. Le fait est d’autant plus étrange qu’elles étaient relativement abondantes jusque-là. Avez-vous fait la même constatation ?

Terminons cette fois avec une citation empruntée à « Wikiquote » :

René Char, Fureur et mystère, 1948

Feuillets d’Hypnos

« Le peuple des prés m’enchante. Sa beauté frêle et dépouvue de venin, je ne me lasse pas de me la réciter. Le campagnol, la taupe, sombres enfants perdus dans la chimère de l’herbe, l’orvet, fils du verre, le grillon, moutonnier comme pas un, la sauterelle qui claque et compte son linge, le papillon qui simule l’ivresse et agace les fleurs de ses hoquets silencieux, les fourmis assagies par la grande étendue verte, et immédiatement au-dessus les météores hirondelles…
Prairie, vous êtes le boîtier du jour. »

Fureur et mystère (1948), René Char, Gallimard, coll. Poésie, 1962

7 réflexions au sujet de « Sexe et nature = sagesse ou précaution de l’orvet ? »

  1. Louise Blau

    Ça alors. ! Bravo pour les photos et la patience. L’année dernière sur l’etang j’ai vu une magnifique couleuvre verte sur l’étang au fond du jardin. Mais les chats passent par là… Et au printemps, lorsque les serpents se réveillent, les tondeuses à fil sont impitoyables …

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    1. voirdit Auteur de l’article

      Oui, nous sommes vite mis en face de nos contradictions. Protéger la nature est une nécessité mais l’entretien du jardin nous fait parfois utiliser des moyens non adéquats avec nos bonnes intentions La couleuvre devait être ‘à collier’. Une année j’ai ramassé une trentaine d’oeufs qui ont éclos à l’appartement, j’ai replacé les jeunes au même lieu, sauf une qui s’était échappée et que nous avons retrouvé 2 mois plus tard dans le séjour. Elle n’avait pas bu, probablement pas mangé mais était bien vivante. Elle est allée rejoindre ses frères et soeurs à la campagne.

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    1. voirdit Auteur de l’article

      Merci de votre soutien. Pour ce qui est de la patience il en faut effectivement, tout photographe animalier connaît ces heures d’affût ; pour la qualité des photos je ne sais mais les vôtres sont également de fort belle facture. Je suis du reste admiratif quand je virevolte sur la toile de voir l’énorme quantité de photographies de grande qualité qui figurent dans les blogs d’amateurs. Certes la facilité numérique y est pour quelque chose mais pas seulement. Bel été à vous !

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  2. voirdit Auteur de l’article

    @Rubin,
    Merci de votre commentaire d’autant que naturaliste amateur je ne suis pas un spécialiste, seulement un observateur attentif. Bien observer déclenche forcément un questionnement et là, comme vous le soulignez, l’affaire devient autrement complexe. Dans tous les cas la curiosité intellectuelle est vertu.

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