Dans le contexte de notre échange épistolaire devenu coutumier j’ai le plaisir d’accueillir les réflexions de Franck Bladou, « à l’envi » sur le thème du ou des souvenirs.
J’ai l’honneur d’être accueilli chez Hélène Verdier, simultanées et notre mouvement d’ensemble évolue dans ce sens :
L’intérieur feutré du souvenir
Lettre de Thadée Natanson à Mallarmé sur l’atmosphère des vacances familiales au bord de la mer en 1900: « Ici, on se travaille fiévreusement à ne rien faire. Un programme méticuleux distribue les heures à la bicyclette, au tennis, aux petits chevaux, aux cartes, aux potins de plage et aux repas. (…) On s’étourdit et enveloppe son ennui et tout souvenir dans le flot des distractions. (…) A peine quelques mioches et deux ou trois nageuses célèbres font trempette tout habillées, sautent sur les galets, plongent ou se secouent pour la joie des toilettes venues au spectacle, et des kodaks, de tous modèles, avalant d’un petit coup sec des provisions de motifs qu’on pourra faire admirer. »
Les mêmes à la campagne, près de Fontainebleau. Vuillard est là, qui regarde et croque, ou clic sur son polaroid à soufflet, ces morceaux épais de bonheur de vivre qu’il transcrit sur des toiles plus tard dans son atelier. A Valvins, sur les bords de Seine, le poète, les écrivains, les peintres, les femmes, les enfants, les notes de piano de Misia, le vent dans les peupliers et le bourdonnement des frelons, un dimanche à la campagne.
A Paris, dans l’appartement de sa mère, où l’horloge égrène les heures de couture appliquée à la lumière de la fenêtre.
Vuillard est le peintre de l’intérieur, le peintre de son quotidien donc du souvenir. Dans ses toiles, le mobilier est noyé dans la trame du papier peint chargé, les nappes et rideaux sont colorés, la lumière tamisée. L’ambiance est calme, le sentiment douillet, cosy, où règne le vrai sujet de ses tableaux, le silence attentif, l’attention retenue. Vuillard est le peintre de l’intériorité, le peintre de ce que j’appellerais l’intérieur feutré du souvenir. Dans cette toile exposée au Metropolitan Museum à New-York, tournant le dos à un vaste rectangle d’ombre, sa mère, absorbée, faufile et coud inlassablement et pour l’éternité. Juste derrière elle, dans l’ombre floue émergent pensées, souvenirs, regrets, peines et joies passées qui ont fait une vie. Il ne peint pas sa mère qui coud, mais le silence décoré des pensées d’une femme qui laisse vagabonder sa mémoire au rythme répétitif et hypnotisant de l’aiguille qui faufile et file.
Vuillard égrène le souvenir d’un quotidien non pas vide, mais silencieux, où flotte sans substance le passé qui décore le présent.
le peintre des papiers peints, des robes fleuries et qui me donne toujours petit parfum de l’appartement de ma grand mère et du parc Monceau (du square des Batignoles aussi)
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