Rien n’échappe à la destruction, tout est question de temps. Tenez, voici l’exemple du lérot. Souvent je les vois, quant à les entendre … presque chaque nuit ils s’affairent sans gêne aucune.
Un jour l’un d’entre eux a terminé sa vie dans l’herbe du sous-bois, peut-être de mort naturelle, peut-être perdu par un rapace momentanément maladroit. Il gît là. Deux jours plus tard dans un bouillonnement malodorant j’observe quantité de vie sur ce cadavre en décomposition ; nous sommes le 17 juin 2010.
Deux jours plus tard encore, environné d’ une odeur beaucoup moins désagréable lors du gros plan, surprise, tout se passe comme si le cadavre s’enterrait. De fait les silphes -d’aucuns copulent, s’activent dessus, dedans et dessous, de sorte qu’un vide s’établit sous les restes du lérot et le cadavre s’enfonce légèrement dans le sol ameubli, effet d’autant plus sensible que les viscères disparaissent et que le corps dégonfle. Âmes sensibles tournez le regard et sautez des lignes.
Des médecins légistes vous préciseraient bien des points. Pour nous naturalistes le compte-rendu admirable qu’a rédigé Jean-Henri Fabre aux pages 611-615 du Tome II chez « Bouquins » par Robert Laffont dans les « Souvenirs entomologiques » (souvent cités ici) suffira. Vous lirez en ces pages l’oeuvre délicate des dermestes, silphes, asticots et autres Trox. Un régal pour eux apparemment.
Puis le temps passe. Le 28 août cependant des traces suffisantes me remémorent juin :
os et feutrage confondus
tandis qu’un mois plus tard environ, le 24 septembre, seuls des os blanchis en connexion articulent encore le souvenir d’une vie qui fut :
Toutes choses égales par ailleurs avouez que trois mois d’existence post-mortem pour un si petit animal est au fond une aventure singulière et que si l’animal ne s’était trouvé mort à proximité de l’un de mes chemins d’exploration, jamais je n’aurais su ce que je viens de conter.
Pourquoi y aurait-il des scènes à mettre en valeur et d’autres à cacher dans le déroulement des vies naturelles qui croisent nos pas ?
Ceux qui ont l’esprit religieux transfigurent la mort dans la résurrection à venir. Elle ne concerne pas les animaux, du moins n’est-ce pas manifesté dans les textes fondateurs des trois religions du Livre. D’autres civilisations sont moins restrictives à cet égard. Tout cela cependant me fait penser, avec l’absence de retenue que vous me connaissez certains jours, à l’évocation bien singulière de « l’auto-ensevelissement de Saint-Jean » tel que raconté dans l’évangile de cet apôtre, apocryphe certes. La scène, peu coutumière, figure sur l’un des superbes vitraux de la chapelle castrale de Baye, dans la Marne, exécutée au début du XIIIe siècle. Il semble que la France ne compte que trois représentations de cette scène. Voyez plutôt, hélas avec un écrasement dû à une perspective difficile à amoindrir :
Vous pourrez trouver des renseignements complémentaires sur ces vitraux et le Foyer de Charité qui les abrite ici :
http://foyer.de.charite.baye.pagesperso-orange.fr/stalpin.htm
très bel article auquel je suis sensible.
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sur les vitraux, je n’ai rien trouvé sur le lien que tu as indiqué, mais ici :
http://foyer.de.charite.baye.pagesperso-orange.fr/stalpin.htm
très intéressant en tout cas.
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et une autre icônographie de l’auto-ensevelissement de Saint-Jean ici :

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Merci beaucoup Wictoria de toutes ces remarques précises. J’ai modifié le lien en conséquence. Difficile de trouver de la doc sur l’auto-ensevelissement de Jean, même sous forme d’écrits. Sur les vitraux de Baye, restaurés récemment par l’atelier Marcq – Simon de Reims, j’apprécie tout spécialement le décor végétal qui semble avoir une signification, à étudier plus en détails un jour peut-être… Bonnes fêtes de Noël et Nouvel An qui approchent. JP
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