Avec Piero di Cosimo les amours sont dans le pré, allons voir !

Sur la jambe droite de Vénus une Ecaille chinée (Euplagia quadripunctata) ou Callimorphe [en grec = belle forme], papillon tant diurne que nocturne, s’est posée. Un mignon lapin blanc renifle ses belles formes alanguies, des colombes se bécotent et Cupidon, fils de Vénus semble regarder l’astre solaire. Vénus songeuse, le regard vague, est éveillée, le jour s’est levé, la scène est paisible maintenant et des putti jouent tandis que dans le lointain des personnages s’affairent. Il fait beau. A droite cependant -je l’oubliai celui-là, endormi, détendu et appuyé sur un coussin moelleux : un homme. Sans aucun doute il est venu, a plus que vu, a vaincu. Toujours est-il qu’il dort, savourant en songe l’instant d’avant, essentiel moment de l’inceste avant le coup de filet de Vulcain, mari trompé qui va livrer aux dieux persifleurs de l’Olympe les protagonistes captifs de ses rets. Vous pensez bien qu’ils ne vont pas garder pour eux cette affriolante nouvelle. Hilares comme dieux taquins ou larrons en foire ils diffusent l’affaire comme un scoop.

C’est presque tout ce que j’ai à vous rapporter à partir de ce que je vois sur le panneau peint mais il est opportun de mentionner des éléments d’armure disposés par le peintre ici et là : celle de Mars car c’est bien lui le coupable, ainsi désigné, montré du doigt par Cupidon et de ses yeux par le soleil, l’un de ses attributs. De plus une mouche non visible à l’échelle de cette reproduction figure également près du visage de Mars. Pour aller plus avant dans l’interprétation il serait nécessaire de connaître, entre autres, le nom donné à ce papillon dans les années 1500 et savoir quelles vertus on lui attribuait.

La peinture est conservée à la Gemälde Galerie de Berlin, la voici :

Vénus, Mars et l'Amour par Pietro di Cosimo

( je place ici ces images capturées sur le web sans que j’aie pu trouver une référence assurée de leur origine sur la toile, ce que d’habitude je ne fais jamais)

Mais, allez-vous questionner avec raison, pourquoi Piero di Cosimo, en Toscane, au début du XVIe siècle, a-t-il peint ces curieux détails sur cette oeuvre devenue un classique des mises en scènes mythologiques si prisées alors des grands du monde, quitte à éloigner momentanément le commanditaire et ses amis, qui intrigués s’approchent de ces détails et risquent ainsi de détacher leurs pensées devenues vagabondes du sujet principal ? Et bien, à regret, je ne peux vous donner de réponse satisfaisante, renvoyant malicieusement votre question vers, par exemple, les ‘installations’ à la Koons Jeff au beau milieu de la ‘Galerie des glaces’ du non moins célèbre palais de Versailles, autre demeure des dieux.

Cependant, Daniel Arasse dans son essai Le Détail, pour une histoire rapprochée de la peinture, (1992) nous apporte beaucoup de pistes quant à l’interprétation de la peinture singulière de Piero di Cosimo, notamment quand elle satisfait aux exigences hélas peu documentées des commanditaires. Mais il n’a pas trouvé d’explications quant à la présence du papillon dont il est question ci-après.

Alors dans l’impossibilité de satisfaire votre curiosité envers l’art de Piero di Cosimo et son besoin de bavarder par le menu, je ne vais pas cependant vous quitter sans vous proposer d’admirer une scène de la nature photographiée ce premier juillet 2013, hot spot s’il en fut de cet imprévisible été. En effet, en plein midi zénital je m’en fus quérir un frais flacon dans une cave éloignée d’une vingtaine de mètres de notre séjour, et soudain, dans cette action mon regard de si lointain putti ayant moins mal vieilli que d’autres mineures qualités enfantines, fut attiré par un couple aux jolies formes de callimorphes batifolant dans l’herbe jaunissante et rase de la pelouse. Du reste leurs virevoltants ébats, tels les drapeaux agités des contrôleurs de course automobile ou les armoiries blasonnées d’écus de combat et d’oriflammes de Marignan et autres lieux, ne pouvaient qu’attirer mon attention vers eux comme si Cupidon venait de décocher une flèche vers cette cible. Voyez-plutôt ! :

accouplement d'Ecailles chinéesCe serait cependant tomber dans une grave confusion anthropomorphique que de laisser croire que ce couple d’Ecailles chinées pourrait être illégitime. Ce dont je suis sûr c’est que dans leur Olympe les dieux se racontent la callimorphie extraordinaire et merveilleuse de ces scènes et mises en scènes, et qu’en paradis, François d’Assise et pourquoi pas Piéro di Cosimo exultent de joie pour la création tandis qu’en enfer proche agonisent éternellement les assassins de la biodiversité. Faute de mieux, côté justice et morale, on s’y retrouve un peu bien que ce ne soit pas là le but de cette divagation.

Quant à nos Ecailles il leur arrive bien entendu de ‘nectariser’ comme tout un chacun des butineurs, comme on voit ci-dessous l’une d’elles dans son repas en compagnie d’un Paon du Jour ; remarquez au passage les dessous orangés de cette Callimorphe, à signaler aux fabricants de lingerie.

Si l’un(e) ou l’autre de mes lecteurs venait à connaître la raison d’être de l’Ecaille chinée sur la peinture de Piero di Cosimo je serais ravi qu’il me le fasse savoir.

2 réflexions au sujet de « Avec Piero di Cosimo les amours sont dans le pré, allons voir ! »

    1. voirdit Auteur de l’article

      Merci également pour le signalement, souvent des personnes oublient de le faire. Et puisque vous voulez changer le monde essayez svp de trouver la signification de la présence de ce papillon, ce serait un bon début dans votre perspective. Et bonne rentrée !

      J’aime

      Répondre

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s