Songe d’une nuit d’été.

Shakespeare, oui. Acte III, scène 1 ; nous allons y venir.

Des écrivains de théâtre, de contes, ont repris bien souvent cette vision du ‘Songe d’une nuit d’été’, de même que quelques peintres dont Marc Chagall (une de ses toiles sur ce thème est visible au Musée de Grenoble). En Grande-Bretagne, lors de la période victorienne dans laquelle un courant pictural d’inspiration féérique se développe, des peintres tels que Francis Danby et John Simmons ont traité également ce point de vue nocturne estival.

Shakespeare donc.

Songe d’une nuit d’été, Acte III, scène 1 de W. Shakespeare. Traduction  du site : http://www.inlibroveritas.org  QUATRIÈME FÉE.—Où faut-il aller ?
TITANIA.—Soyez prévenantes et polies pour ce seigneur : dansez dans ses promenades, gambadez à ses yeux ; nourrissez-le d’abricots et de framboises, de raisins vermeils, de figues vertes et de mûres ; dérobez aux bourdons leurs charges de miel, et ravissez la cire de leurs cuisses pour en faire des flambeaux de nuit que vous allumerez aux yeux brillants du ver luisant pour éclairer le coucher et le lever de mon bien-aimé ; arrachez les ailes bigarrées des papillons, pour écarter les rayons de la lune de ses yeux endormis. Inclinez-vous devant lui, et faites-lui la révérence
. …
     On lit que Titania ordonne d’allumer des flambeaux de cire aux yeux du ver luisant… Certes il ne s’agit pas des yeux mais du ventre, Shakespeare n’était pas nécessairement naturaliste. Toujours est-il que John Simmons peint une jolie Titania aux ailes qui me semblent celles du Grand Paon de nuit, approchant une allumette du ventre d’un lampyre. Cet insecte est correctement représenté. Nous savons que c’est la femelle lampyre qui pour attirer le mâle agite dans la nuit le dessous de son ventre dont les annelets terminaux sont porteurs de luciférine qui sous l’action de l’énergie et de l’oxygène émet un rayonnement de couleur verdâtre. Le mâle et les oeufs sont également porteurs de cette singularité, de moindre effet cependant. Notre ver n’est donc pas un ver mais un insecte. Je vous présente la femelle, vue de dessus et de dessous et vous constaterez ainsi que l’extrêmité de son abdomen montre des sections terminales différentes des autres, elles apparaissent de couleur claire et ce sont elles qui brillent dans la nuit, offrant parfois aux herbes des talus un scintillement étoilé des plus agréables. L’insecte hélas, perturbé par la clarté artificielle et excessive de nos cieux ne trouve plus guère sa femelle et n’y voyant goutte dans la nuit éclairée décline inexorablement ; ainsi peut-on dire que le lampyre broie du noir à cause du lampadaire qu’il jalouse. 

femelle de lampyre vue de dessus

femelle lampyre de dessous

lumière du monde, état off, -pour M. lampyre (Lampyris noctiluca L.)

luminescence du lampyre femelle

luminescence biologique, état On. (iso 3200, 1/10e s)

luminescence avec appoint artificiel

     Fragment de date du journal « Le Monde » éclairé par « La Lanterne » magique du lampyre, un monde ! (iso 3200, 1/20 s. et appoint lumineux par lampe de poche faible)

 Quand autrefois , non pollués d’éclairage artificiel les ciels et les nuits des peintres étaient peut-être plus féconds, à l’image des nuits des lampyres, alors ils avaient loisir de rêver et peindre. Ainsi John Simmons en 1866.

Simmons J., Songe d\\'une nuit d\\'été

Simmons, Songe...gros plan

Simmons, Songe d’une nuit d’été, « Titania »

Merci à Christopher Finch et aux Editions Abbeville, qui en 1994 ont publié le tableau de Simmons conservé à Bristol (Museum and Art Galery). Il s’agit d’une aquarelle sur papier de format 34,3 x 26,7 cm, reproduite p. 141 de l’ouvrage : « l’aquarelle au XIXe siècle » qui m’a été offert par mon amie Jeanne Buttner en souvenir de son mari Raymond, peintre amateur talentueux, fin connaisseur des maîtres qu’il m’a fait apprécier.

     Il faut encore que je vous dise que notre lampyre ne vit pas seulement d’amour et d’eau fraîche, comme vous vous en doutez, mais qu’il apprécie tout comme nous l’escargot ; non au beurre mais liquide à souhait, grâce aux enzymes qu’il injecte dans le corps du cornu après l’avoir anesthésié par quelques rapides morsures. Vous le savez bien la nature c’est toujours prédations et inventions. Et comme vous connaissez maintenant les moindres de mes manies vous avez tout de suite le réflexe d’aller voir chez … ? J.-H. Fabre comment vit notre bête du jour et sur le net, qui ne vaut cependant pas le livre de chevet, c’est ici :

http://www.e-fabre.com/e-texts/souvenirs_entomologiques/ver_luisant.htm

     « Nous sommes tous des vers…. Mais je crois que je suis un ver luisant. »

Winston Churchill, dans un extrait de conversation avec Violet Bonham-Carter. Citation trouvée sur le site ad-hoc : http://www.evene.fr.

Bonne nuit d’étoiles lampyriques ! Accompagnée par Mendelssohn ?

Complément documentaire ajouté le 3 juillet 2018 :

Hier soir sur pelouse étincelle un point jaune verdâtre. Un quart d’heure après ce rapide aperçu je décide de recueillir l’insecte pour le photographier. Suprise : le piège brillant a fonctionné, ce sont deux individus que je récolte. L’accouplement vient d’avoir lieu et la femelle baisse d’un ton le luminaire des étoiles. De ce fait j’ai la satisfaction de découvrir le mâle qui lui, peut-être, ne sera pas ravi de cette mise en scène plutôt réservée aux stars.

accouplement des lampyres, profil et dessus

10 réflexions au sujet de « Songe d’une nuit d’été. »

  1. naline

    Féérie en effet, qui fascine les enfants.
    Une amie italienne me parlait de la comptine de son enfance :

    Lucciola, lucciola
    vien da me,
    ti daro il pan del re,
    il pan del re e della regina
    lucciola, lucciola
    vien vicina.

    Belle nuit d’étoiles filantes et de lucioles !

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  2. voirdit

    à Naline et Pierre,
    Très jolie comptine italienne et évocation des lucioles brillantes et superbes. Je n’ai pas encore eu l’occasion de les observer in situ dans les cieux méditerranéens, cela viendra sans doute en son temps. Merci de votre fidélité, JP

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  3. voirdit

    à Wictoria,
    Merci de votre visite et j’espère que vous aurez souvent l’occasion de contempler les lumières de la nuit. Douce nuit donc, avec des coups d’oeil vers les veilleuses, les phares, les luminaires, la voie lactée et les nombreuses lueurs que j’oublie.

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  4. Cantabile

    Peut-être les lucioles ne vivent-elles que le temps de briller un instant d’un vif éclat. Comme nous tous d’ailleurs !

    Gabrielle Roy
    Extrait de « La disparition des lucioles »

    Merci pour ta visite
    Merci pour tes articles… toujours un bonheur de te lire…

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  5. Ping : Dans la caverne le monde chtonien frémit… | Voir et le dire, mais comment ?

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