Vailly-sur-Aisne a les jetons ! Jeanne d’Arc n’est plus de ce monde

Restons un peu dans la commémoration johannique en revenant autrement à son temps, toujours à Vailly-sur-Aisne. L’époque est très troublée, de nombreuses bandes armées pillent, violent, tuent dans le désordre d’un royaume en recherche de légitimité du pouvoir. En effet le roi de France et celui d’Angleterre prétendent chacun pouvoir le gouverner. Les deux recherchent et trouvent des alliés féodaux dans des intrigues qui vont des traités aux meurtres. Calamités sans fin pour la population amenée souvent à se réfugier temporairement dans les caves creusées sous les maisons bourgeoises de la ville ceinte d’un rempart.

Dans les caves destinées semble-t-il au stockage des vivres et du vin, peut-être parfois à celui des textiles les Vaillysiens d’alors séjournent donc plus que d’ordinaire, y mangent, y dorment. Des puits souvent mitoyens permettent le ravitaillement en eau et parfois des communications sont établies sous terre entre maisons voisines sans que l’on puisse affirmer ou vérifier la présence d’un véritable réseau, loin s’en faut.

Nous avons vérifié ces faits lors de l’installation d’une cuve à fuel dans l’une de ces caves vers la fin des années soixante. L’oeil averti de l’archéologue avait alors identifié un niveau d’incendie et un niveau d’occupation renfermant des tessons de poterie des XIVe et XVe siècles, quelques fragments de verres à boire, des crânes de moutons découpés pour en extraire la cervelle ainsi que quelques rares pièces de monnaie et jetons.

Parmi ces pièces figuraient une maille et un denier tournoi quasiment illisibles se rattachant avec certitude à la monnaie de Charles VII (1422-1461) émise vers 1436. On parvient avec peine à lire sur le denier : KAROLUS : FRANCORV : REX : et à constater la présence d’un trilobe avec 2 fleurs de lys. Ont été également trouvés deux jetons -sorte de pièce à usage de monnaie, d’échange ou de propagande souvent fabriqués dans l’Empire à Nüremberg, d’où leur appellation fréquente de « jeton de Nüremberg » et bien que d’autres ateliers de frappe aient été identifiés. Les voici en photographies et un commentaire aidera à en comprendre sinon l’usage, du moins le sens.

jeton du duc de Bourgogne Philippe-le- Bon

champ de 12 fleurs de lys autour d’un losange à quatre fleurs de lys. La légende est :  *+/VIVE*LE*ROI*VIVE*BOURGONGNE

jeton du duc de Bourgogne Philippe-le-Bon

Croix fleurdelisée cantonnée de quatre lys couronnés. La légende est :

*+/VIVE*AMANT*VIVE*AMOUR*VIVE

Nous pensons pouvoir attribuer ce jeton au duc de Bourgogne Philippe-le-Bon (1419-1467) et sans doute s’agit-il d’une forme de propagande politique en faveur du parti bourguignon. En effet des écus de ce duc ont pour légende un texte proche.

jeton à l'imitation de la monnaie de Paris navire (nef) sur l’eau (à l’imitation de la monnaie des échevins de Paris) et légende illisible ou légende volontairement incompréhensible

jeton                                9 cercles entourent un losange double avec quatre fleurs de lys, légende sans signification apparente? L’examen attentif montre que l’un des coins a glissé durant la frappe ce qui rend le centre de la pièce d’une lecture confuse.

A titre de comparaison avec la monnaie officielle d’argent nous donnons ci-dessous la photographie d’un denier tournoi de Charles VI (1380-1422) :

denier d'argent de Charles VI

Avers : Ecu de France à 3 fleurs de lys dont la légende se lit : ++KAROLVS : FRANCORV : REX [Karolus Francoru(m) Rex = Charles roi des Francs

Revers : croix pattée cantonnée de 2 felurs de lys et 2 couronnes dont la légende est :           : BENEDICTU + SIT : NOME : DNI [benedictus sit nomen Domini = béni soit le nom du Seigneur

Quelques maigres éléments donc qui mettent en lumière des années difficiles pour les habitants de notre bourgade, alors assurément une ville comme l’attestent la présence des remparts, celle de trois églises, des réglements administratifs de corporations et d’autres trop longs à développer et qui n’entrent pas dans le point de vue de ce blog. Rappelons encore que la ville était directement de la juridiction royale jusqu’en 1379 date d’un échange entre le roi et l’archevêque de Reims, le roi souhaitant gérer la ville de Mouzon en position de frontière avec l’Empire plutôt que Vailly qu’il cède alors à l’archevêque de Reims. La suite des temps indique que cet échange fut peu favorable à notre ville.

Pour clore cette note je place la signature de Jeanne d’Arc telle qu’on peut la voir dans une lettre adressée aux habitants de Reims le 16 mars 1430 depuis Sully sur Loire, lettre conservée avec deux autres puis mise en vente mais préemptée et remise à Jean Taittinger en tant que maire de Reims le 17 février 1970. Elle est depuis conservée aux Archives municipales de la Ville de Reims.  La photographie ci-dessous est extraite d’un plaquette écrite par l’abbé Jean Goy et publiée par la Direction des relations publiques de la ville de Reims en 1984.

signature de Jeanne d'Arc

2 réflexions au sujet de « Vailly-sur-Aisne a les jetons ! Jeanne d’Arc n’est plus de ce monde »

  1. maniez

    bonjour,
    je suis en possession d’un jeton comme vous avez décrit avec le bateau et le losange avec les 4 fleurs de lys très illisible mais j’ai pu voir les dessins au centre . Si j’ai bien compris celui-ci n’a pas valeur de monnaie ? ou a t’il tout de même une valeur ?

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    1. voirdit Auteur de l’article

      @Maniez,
      Bonjour, Votre jeton n’a pas aujourd’hui valeur de monnaie mais a une valeur de jeton ancien. Mais la valeur marchande des pièces et jetons est avant tout affaire d’état de l’objet. Si je comprends bien le vôtre est usé et difficile à déchiffrer de sorte que sa valeur marchande est très faible. Cependant il a pour vous valeur d’un objet dont vous connaissez maintenant l’origine, c’est ce qui compte finalement.

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