Au-delà du ravin du Mourson moutonnent blanches les aubépines, ponctuation placée en lisière du vert sous-bois, comme des notes qui égaient le jaune colza à l’odeur fade. De près leurs bouquets blancs et roses se hérissent d’étamines à tête fauve qui ignorent l’épine.
Franchissons la bordure, entrons. Les Orchis purpurea abondent, haut perchés, labelles veloûtés, dans la prestance pourprée d’un empereur byzantin. Voyez de près l’élégance du tissu, pailleté de fins crochets distribués en pluie. Ils dodelinent au vent, fiers de montrer du doigt leur trop discrète voisine blafarde car privée de chlorophylle – une néottie nid-d’oiseau, à laquelle les circonvolutions du rhizôme ont donné nom.
néottie nid-d’oiseau et, à son pied, aspérules odorantes
Encore de rares senteurs de muguet finissant et au-dessus, qui s’enhardit à monter de l’humus gorgé d’eau, la fragrance tenace des aspérules odorantes, les bien nommées, avec lesquelles les Alsaciens ont coutume de produire un « vin de mai » parfumé.
De mémoire il me semble que jamais je n’aie vu pareille fructification des ormes. Le sentier est parsemé de leur graînes en majesté dans l’auréole ivoire et nacrée qui les tient prisonnières quelques heures, depuis leur chute du ciel qu’elles colorent par plaques offensant la verdure de ces jours.
Du pied de la falaise tapissé d’un somptueux édredon de géranium des bois aux discrètes fleurs roses, aux encore plus timides éclaboussures rouges des pétales et des tiges frêles et cassantes,
voltigent piérides et tircis qui se coursent mutuellement dans un vagabondage enfantin. Je m’amuse de leurs allers et venues à tire-d’ailes de velours et de nacre.
Tircis (Pararge aegeria L.)
Plus haut, en plein soleil, diffusant un subtil parfum, un pied de giroflée jette de l’or sur la pierre creusée d’antiques boulins, sans doute pour le plaisir des pigeons qui roucoulent d’aise dans une cavité voisine abritée.
Me manquent déjà ici la fraîcheur du sous-bois, la musique du ruisseau et l’éclaboussure des gouttes devant la cascade où des scolopendres en leur jeune et renouvelé costume montent la garde.
C’était un jour ordinaire de mai.
« …ce qui me semble, à moi, le plus haut dans l’Art (et le plus difficile), ce n’est ni de faire rire, ni de faire pleurer, ni de vous mettre en rut ou en fureur, mais d’agir à la façon de la nature, c’est à dire de faire rêver. … »
Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet, 1853
dans Flaubert, Correspondance, Choix et présentation de Bernard Masson, Folio, 1998, p. 257.
merci de me faire du bien,
j’aime la nature,
elles sont belles les fleurs,
chacune différente,
et puis, ce petit cours d’eau,
je ne suis pas à la montagne,
juste dans un petit bourg,
et derrière, un peu plus loin,
un petit cours d’eau clapote,
et comme c’est bon,
j’espère tout le temps de mon passage ici.
BELLE SOIREE.
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Les mais (les aubépines) sont fleuris et embaument.
J’ai remarqué aussi combien la fructification des ormes est abondante cette année: une véritable neige qui tourbillonne!
Tes orchidées sauvages sont superbes … et précoces.
Un jour ordinaire … qui suffit à nous ravir.
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Belle journée à vous, Annick. Merci de me faire savoir que vous appréciez mes lignes pour leur contenu naturaliste et leur action semble-t-il bienfaisante. Leur suggestion de faire oublier les tracas quotidiens ne peut être, hélas, que momentanée. Cela me fait plaisir qu’un ruisseau et son clapotis soient près de vous, eux demeurent. JP
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Les O. purpurea sont effectivement précoces cette année et nombreuses. En revanche les Listera sont curieusement rares. J’attends des Ophrys et Platanthères, et d’autres peut-être. Il faut savoir attendre quand on est dehors. Belles observations pour toi Pierre et heureuse collecte d’images !
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Comme j’aime cette eau qui nous entrainne et jaillit!
Avec ces goutelettes en suspens tu parviens bien à nous faire rêver!
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Merci Corinne de tes mots qui suspendent ainsi l’eau comme l’a fait la photographie en haute vitesse. Mon propos étant souvent d’inciter au rêve, y parvenir un moment en suspendant l’écoulement du temps et celui de l’eau devient en soi un rêve accessible. Toi aussi tu sais susciter ces réactions !
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