Le « 11 novembre« , plus encore que d’autres jours, Craonne se souvient toujours de sa disparition jamais tout à fait compensée par un renouveau. Cette année lors des 7ièmes « Journées du livre de Craonne » et des conférences présentées la veille, l’accent était mis sur la reconstruction du village après sa totale destruction.
La première fois que l’on monte l’escalier d’honneur de l’Hôtel de Ville on est surpris par la plaque commémorative ci-dessous :
Il peut en effet paraître étrange que ce modeste village de 80 habitants (mais 600 en 1914 ; 10 en 1919 ; 40 en 1921 et 116 en 1926) ait un lien affectif prononcé pour la Suède. Suspendu au contrefort oriental du plateau du Chemin des Dames le nouveau Craonne (prononcez : [krane]) a été déplacé de quelques centaines de mètres de son ancien berceau. Sur 152 maisons présentes en 1914 seules 28 avaient été construites en contre-bas à la fin des années vingt.
Paisible est pourtant le terme qui vient à l’esprit lorsque, promeneur du XXIe s., on s’attarde quelque peu entre ‘plateau de Californie’ et ‘tranchée du balcon’ tant est harmonieuse ici la distribution des courbes du paysage et plaisants ces dénivelés pourtant si meurtriers en 14-18 :
Ce 7 novembre, grâce à l’érudition de M. Stéphane Bedhome -doctorant en histoire contemporaine, originaire du secteur- contenue dans une conférence très bien documentée et magistralement prononcée, on sait désormais comment tout cela fut, quand bien même l’approche prudente de l’historien propose des pistes et laisse des pans dans l’ombre. Le parrainage initié à Paris par des Suédois amis de quelques compatriotes engagés volontaires dans la Légion Etrangère et hélas tués dans les parages, a permis après passage par l’ambassadeur de Suède en France puis la cour de Suède, de verser à la commune anéantie la somme de 550 000 francs, encore complétée par des dons venus du Canada, des USA, de Bordeaux et de Cannes.
On s’étonne donc moins mais une pensée émue et reconnaissante demeure. Elle s’est exprimée ce soir-là par un agréable et chaleureux concert donné en l’église Saint-Martin (architecture d’Adrien Bastié, comme l’Hôtel de Ville). L’orchestre « Camerata Champagne » était dirigé par Madame Léna Gutke ; des commentaires de M. Bedhome en lien étroit avec sa conférence furent lus par Madame Odile Lumbroso, présidente, ou lui-même. Ont été exécutés des fragments d’oeuvre de compositeurs du début du XXe s., tant Français que Suédois et en final, l’hymne suédois transporta l’assemblée qui l’écouta debout. Deux belles journées d’hommage donc comme on s’habitue à les fréquenter en ce tout petit chef-lieu de canton, peut-être le plus modeste de France par sa taille mais non le moins connu par sa dramatique situation lors de la Première Guerre Mondiale et sa célèbre et poignante « chanson de Craonne » née des multiples versions remaniées à mesure par des soldats submergés de douleurs et d’incompréhension.
de gauche à droite Mmes Gutke et Lumbroso, M. S. Bedhome, les musiciens de ‘Camerata Champagne’ et au micro M. Noël Genteur Président de la Communauté de Communes du Chemin des Dames.
Informations complémentaires sur : http://www.chemin-des-dames.fr
sur : http://www.cameratachampagne.free.fr
sur : http://www.crid1418.org
sur :http://dumultien.over-blog.fr = cartes postales d’avant 1914 dans la région
sur : http://www.dictionnaireduchemindesdames.blogspot.com
sur la culture suédoise lire par exemple le site de l’Institut suédois de Paris : http:www.ccs.si.se
Ces journées sont subventionnées ou aidées notamment par le Conseil Général de l’Aisne et le CRID. Des volontaires de tous horizons participent avec coeur et nous les en remercions.
« Ma préférence après avoir tout admiré tant de fois, est pour le site de l’ancien Craonne, ces hauteurs couvertes d’arbres, de taillis, de fourrés, où s’étendait et s’étageait jadis le village. Pas la trace d’une maison, d’un quelconque édifice, hormis les éclats de briques ou de tuiles mêlés à la terre. Seules subsistent les fondations de l’église, au sommet d’un tertre, quasiment invisibles sous l’amas d’herbes et de ronciers. »
in ‘Chemin des Dames’ par Yves Gibeau (textes) et Gérard Rondeau (photographies). Ed. Albedo, 1984, p.46
Dans son « Réveil des morts » Roland Dorgelès s’effrayait de la disparition inévitable de la mémoire de 1914 au cours du temps. Il avait raison en ce qui concerne le long terme et 1914 finira un jour dans les mémoires comme il en est de la Guerre de Cent Ans. Mais de nos jours la guerre de 14-18 est plus que jamais l’objet de commémorations, de récits, de films. Avoir entendu ce jour l’hymne allemand sous l’Arc de Triomphe devrait encore accentuer ce phénomène et c’est justice face aux infinies souffrances d’hommes de toutes nations qui ont combattu en cette contrée et tant d’autres.
Je viens de lire, dans mon quotidien journalier, un article sur les villages disparus au cours de la Grande Guerre et qui conservent pour entretenir leur mémoire, bien qu’aucune trace matérielle n’en subsiste, un Maire, nommé par la Préfet.
Ici, à Craonne, une autre manière d’entretenir le souvenir d’une communauté à travers ses maisons et ses reconstructions.
Peut-être qu’un jour, l’UNESCO classera cette malheureuse région torturée dans sa terre et dans la chair de ses habitants, au patrimoine de l’Humanité. Quelle meilleure manière de conserver la mémoire de cette douloureuse page d’Histoire de l’Europe?
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à Pierre,
Merci de ton commentaire. Il est exact que quelques villages détruits de la zone de Verdun ont un maire nommé par le préfet et que ce maire se consacre essentiellement à la transmission de la mémoire de ces lieux meurtris. Ici au Chemin des Dames il n’y a pas eu cette action. Mais aujourd’hui de nombreuses personnes militent pour la ‘réhabilitation’ des mutins de 17. Il faut dire que dans notre secteur ces mutineries ainsi que (mais c’est tout un…) la bataille du 16 avril 17 qui devait voir nos poilus au pied de Laon dans les heures ou jours suivant l’attaque, ont fait passé au second plan le autres réalités de ce conflit. Beaucoup de personnes sur les lieux de combat, et tout spécialement là, gardent vive la mémoire des hommes et transmettent de leur mieux ce qu’ils croient être la vérité. En mettant l’accent sur les souffrances et l’extraordinaire engagement de nos ancêtres dans leur combat nous ne pouvons nous tromper même si aujourd’hui tous les poilus français ont disparu.
Amitiés, JPierre
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Quelle belle lumière sur fond d’orage!
Beau symbole. Douceur et orage mélés.
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