Au-dessus des chaumes jaune paille

Au-dessus des chaumes jaune paille piquetées de rares brins encore verts surgit sur le plateau l’angle vif du vieux clocher ruiné encadré de grands arbres.

le clocher ruiné de Bourgon

A l’approche, intrigué après avoir lu sur la carte IGN au 100 000e que se tient là une ruine nommée exagérément « cathédrale », le promeneur découvre d’abord un chemin qui longe un étroit ravin et débouche à proximité du sol en place d’une ancienne carrière de pierres à ciel ouvert que l’on croirait une ma&re asséchée :

sol de base d'une ancienne carrière de pierres

Derrière des arbres apparaît bientôt ce qui reste d’un choeur d’église et d’une nef

choeur de Notre-Dame de Bourgon

 

nef et choeur

Des commentaires reproduits sur panneaux nous permettent de comprendre l’histoire du lieu. Nous sommes ici en présence d’un village des XI-XIVe siècles nommé Bourgon, détruit et donc abandonné en grande partie lors d’un épisode de la Guerre de Cent-Ans puis revigoré au XVIe siècle, moment où l’on fait quelques extensions à l’église alors réparée et toujours accompagnée de son cimetière.

Puis peu à peu le village décline à nouveau, est abondonné au bénéfice de Morcourt à moins de 500 mètres au nord-ouest. Morcourt modeste hameau dépendant de Feigneux qui a attiré quelques peintres au tournant du XXe siècle.

Après avoir salué et félicité en pensée le propriétaire du terrain et des ruines qui entretient joliment ce site d’allure très romantique nous lisons la description relatée en 1851 par un certain Victor Offroy, de Dammartin et publiée le 28 octobre dans « le Journal de Senlis« 

« …Bientôt on arrive à Morcourt ; ce village s’adosse sur le versant de la plaine qui descend dans la vallée, ses chaumières s’isolent chacune dans le petit champ qui l’enferme, et fument parmi les arbres qui les abritent ; on dirait des nids d’homme se cachant là, dans les touffes de végétation. Ses habitants vivent de la terre qu’ils cultivent, ils ne connaissent d’autres biens que ceux de leurs récoltes, d’autres révolutions que celles des saisons : c’est une petite colonie séparée du monde et demeurant étrangère à tout ce qui s’y passe ; heureux qui se plaît là ! »  

Ici encore debouts une pierre tombale de 1857, quelques bases de monuments funéraires, un chemin pierré et même la vieille porte du cimetière dorment en paix entre althéas et hybiscus.

Passants qui passez là laissez les choses en l’état et ne pensez qu’au repos des os et des pierres d’ici ; les uns attendent la résurrection annoncée, les autres repoussent grâce aux soins attentionnés de nos contemporains la lente érosion dans le temps !

J’attendais Froissard et les Chroniqueurs mais je suis plutôt chez Gérard de Nerval et ses « Filles du feu » et « Sylvie ».  Entre chevauchées et rêveries il faut choisir pour préserver au mieux ces pierres, dentelle mîtée du temps qui est, qui était et qui fut.

Le sujet des ruines peint évoque chez l’amateur Hubert Robert parmi d’autres peintres. Pourtant je choisis une église de Rouen, en ruines, dessinée par Corot, sans doute lors de sa jeunesse. Il doit s’agir de l’église Saint-Pierre de Rouen et je la prends dans : Dessins français, de Prud’hon à Daumier par André Vantoura et coll., Ed. Art et dessins S.A., Fribourg, 1966, n°79.

église Saint-Pierre de Rouen, dessin par Corot

mine de plomb du Musée du Louvre ; 28,4 x 22,9 cm

Un extrait d’un poème de Pierre Seghers s’accorde à l’harmonie du site :

« Qui passe renaîtra                                                     Se fera mot, couleur, musique, sera pierre                     et poussière demain, mais la vie reviendra                      et tous les incendies, les guerres, les massacres              la corrosive écume,les pollens et les vents                     en vain seront sur nous. Rien ne nous atteindra. » 

Pierre Seghers, Derniers écrits, Poèmes pour après           Eclats. Postface de Colette Seghers.                               Editions Fanlac, 2002, p.66




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