Des Cormiciens sont à la recherche de leur passé, entreprise louable qui a la vertu de fortifier un ancrage positionné dans le temps et assuré par des références historiques fiables. Pour ce faire ils rassemblent des données et engagent des inspections topographiques notamment avec l’implication déterminée d’une association locale nommée « Cormicy, ma ville, son histoire » ou « Cmvsh ».
C’est pourquoi je n’ai pas hésité, devant autant de détermination, à leur apporter mon concours sous la forme d’une visite des dessous de Cormicy d’abord, puis, à cause du peu de ressemblance de ses dessous avec ceux que j’ai pu connaître jusque-là, sous la forme d’une conférence qui se tiendra à Cormicy le vendredi 25 mars prochain à 20 h 30 en la salle ‘omnisports’ de cette bourgade.
Cette conférence visera à montrer comment travaillent les historiens, bien évidemment à partir des textes mais aussi à partir de l’existant topographique souvent constitué de vestiges ‘virtuels’ qu’il convient d’apprendre à déchiffrer.
Des textes des chroniqueurs Froissart et Knighton décrivant la prise de Cormicy en décembre 1359 seront utilisés à titre de sources patrimoniales pour cette commune et seront interprétés dans une mise en scène présentée par des jeunes de classe de cinquième de Cormicy.
Nous donnons ci-dessous le texte de Jehan Froissart, extrait des « Grandes chroniques de France », dans l’édition de Siméon Luce, Livre 1, 466
« Quant messire Bietremieus, qui le chastel avoit assieget, l’ot bien aviset et consideret le force et le manière, et que par assaut il ne le poroit avoir, il fit apparillier avec quantité de mineurs que il avoit avoecques lui et à ses gages, et leur commanda qu’ils vosissent faire leur pooir de le forterèce miner, et trop bien il les paieroit. Cilz respondirent : ‘volontiers !’ Adonc entrèrent cil ouvrier en leur mine et minèrent continuelment nuit et jour, et fisent tant que il vinrent moult avant par devant le grosse tour ; et, à le mesure que il minoient, il estançonnoient, et cil dou fort riens n’en savoient. Quant ils furent au dessus de leur mine que pour faire reverser le tour, quant il vorroient, il vinrent à monsigneur Biètremieu, et li disent : ‘sire, nous avons telement appareilliet nostre ouvrage que ceste grosse tour trebuchera, quant il vous plaira’. – ‘Bien est, respondi li chevaliers, n’en faites plus riens sans mon commandement. Et cil disent :’volontiers’.
Adonc monta à cheval messires Bietremieulz et enmena monsigneur Jehan de Ghistelles avoecques li, qui estoit de sa compagnie, et s’en vinrent jusques au chastiel. Messires Bietremieus fit signe que il voloit parlementer à chiaus dedens. Tantost messires Henris de Vaus se traist avant et vint as crestiaus et demanda qu’il voloit. ‘Je voeil dist messires Bietremieus, que vous vos rendès ou aultrement vous estes tout mort sans remède.’ -‘et comment ? respondi li chevaliers françois qui prist à rire ? Jà sommes nous ceens tout hetiet et assès bien pourveu de toutes coses ; et vous volès que nous nos rendons si simplement : ce ne sera jà’. -‘Messire Henri, repondi li chevalier d’Engleterre, se vous saviés en quel parti vous estes, vous vos renderiés tantost et à peu de parolles.’ -‘en quel parti poons nous estre, sire ? respondi li chevaliers françois. ‘Vous isterès hors, dist messire Bietremieus et je vous mousterai, par condition que se vous volès retourner en vostre tour, je le vous acorderai et assegurance jusques adonc’.
Messire Henris entra en ce trettiet et crut le chevaliers englès et issi hors de son fort, lui quatrime tant seulement, et vint là où messires Bietremieulz et messires Jehan de Gistelles le veurent mener. Sitost comme il fu là venus, il le menèrent à leur mine et li monstrèrent comment la grosse tour ne tenoit, fors sus estançons de bos. Quant li chevaliers françois vei le peril, si dist à monsigneur Bietremieu : ‘certainement sire vous avès bonne cause ; et ce que fait en avès, vous vient de grant gentillèce : si nous mettons en vostre volenté et le nostre ossi’. Là les prist messires Bietremieus comme ses prisonniers et les fist partir hors de le tour, uns et aultres, et le leur ossi, et puis fit bouter le feu en le mine.
Si ardirent li estançon ; et quant ils furent tous ars, li tours qui estoit malement grosse et quarrée, ouvri et se parti en deux et reversa d’autre part. ‘Or regardès, ce dist messire Bietremieus à monsigneur Henri de Vaus et à chiaus de le forterèce, se je vous disoie verité’. Il respondirent : ‘sire, oil, nous demorons vostre prisonnier à vostre volenté, et vous remercions de votre courtoisie, car li Jake Bonhomme qui jadis regnèrent en ce pays, se il euissent ensi esté de nous au deseure que vous estiés orains, il ne nous euissent mies fait la cause parelle que vous avès’. »
Bien entendu c’est une transcription en français moderne qui sera présentée par les élèves !
La seconde partie de la conférence portera sur les rapports existants entre le sol et le sous-sol dans la transmission de vestiges du passé qu’il convient de décrypter. Ainsi sera abordée la question de la datation des souterrains, thème difficile s’il en est, à cause du manque de documents écrits et de la similitude des manières de faire dans le temps. L’historien propose des pistes de réflexion et n’avance pas de certitudes, toutefois des hypothèses très fragiles peuvent être abandonnées au profit de recoupements d’idées allant vers un même sens d’interprétation.
La conclusion abordera les thèmes de la conservation et de la mise en valeur de tels vestiges apparents ou cachés, thèmes par ailleurs chers à l’association ‘Cmvsh’.
Cormicy sens dessus dessous ? ou bien plutôt : Cormicy, du sens dessus et dessous ! A entendre pour admettre ou contester.
Bien que ma proposition de dater la plupart des souterrains de la seconde moitié du XVIII e siècle, période fort proche alors que les habitants eussent préférer une haute antiquité à leur vestige, l’accueil de mes propos s’est vu entouré d’écoute attentive. J’ai retenu par ailleurs que les élèves qui ont eu la possibilité, grâce à l’aide de leurs parents et de membres de l’association, de participer à la courte expérience théâtrale, en furent ravis.
Que tous soient remerciés !
élèves de Cormicy et de sa région revisitant Froissart
Rapportée par M. Karl Lagerfeld dans un numéro publicitaire du Monde de mars 2011 la citation du photographe de mode Richard Avedon (1923-2004) :
« il faut s’occuper de la surface pour trouver ce qu’il y a dessous » résume, dans sa simplicité et son in-à propos contextuel, tout l’intérêt de l’observation approfondie dans une perspective d’étude. Nul doute que les souterrains de Cormicy referont surface un jour ou l’autre.
Compte-rendu de cette conférence par lke journal « L »union » en date du vendredi premier avril 2011 à retrouver sur le site du journal ici :
http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/cormicy-histoire-du-village-les-5e-tres-impliques
photographie et article reproduit à partir du journal :
un magnifique métier que tu fais là ! sans compter le partage de connaissances que tu réalises ici et ailleurs !
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à Wictoria,
Merci, d’autant plus que tu contribues à ta façon toi aussi à développer l’esprit d’une certaine culture française, ici et dans des ailleurs imprévisibles et que tu écris donc cela en connaissance de cause. Les plus ravis ce soir-là furent les jeunes mais la grande centaine d’auditeurs montrait de l’intérêt pour un sujet d’histoire locale sur lequel ils étaient peu informés originellement. Quant au métier oui il est incontestablement beau quand il peut se déployer dans la passion de l’émetteur et l’attente joyeuse des récepteurs.
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je vous felicite pour votre travail qui ne doit pas etre facile tous les jours, surtout avec les ados
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Merci. Lorsqu’il s’agit de travail volontaire tout devient différent pour chacun des intervenants !
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