Logé comme un prince d’Eglise en un écrin qui hésite entre Renaissance et gothique, inspiré par un préfet éclairé, et dernièrement revisité avec talent, le Musée départemental de l’Oise (Mudo) vient de (ré)ouvrir avec le soutien du Conseil général de l’Oise et divers concours. En 1305 l’évêque de la cité avait eu à affronter l’ire des bourgeois, à se protéger parmi les vestiges des remparts gallo-romains derrière une porte fortifiée. L’un de ses successeurs, Louis Villiers de l’Isle Adam, deux siècles plus tard fit élever ce palais qui protège aujourd’hui les collections que vous pouvez fréquenter gratuitement, sauf le mardi. Profitez-en sans modération.

Protégé par une porte fortifiée édifiée au début du XIV e siècle, tout près de la cathédrale et de l’église antérieure visible ici à droite
le lanternon protège trois cloches dont l’une de 1508
Les collections de peinture, essentiellement du XIXe siècle, ainsi que d’autres expressions artistiques, se répartissent dans un espace lumineux centré sur une salle dédiée au peintre senlisien Thomas Couture. Sa grande oeuvre (9 m. x 5 m.) : l’Enrôlement des Volontaires de 1792, rayonne sur l’un des murs entourée de quelques toiles préparatoires de bel effet. On la scrute sur deux niveaux, en toute visibilité. Les deux photographies suivantes en présentent une vue partielle (partie supérieure) et l’une des études.
Dans les autres salles chacun composera son menu comme il est naturel de faire lorsque les étals sont garnis d’abondance dans la diversité. Aucune règle autre que l’attirance personnelle, avec parfois une incitation des conservateurs à comparer, avec raison, un même endroit vu par deux peintres ou bien encore un même lieu à des moments séparés dans le temps et décrits par des personnalités que rien ne rapproche a priori. Ainsi ai-je retenu les ruines du château de Pierrefonds par Jean-Baptiste Corot presque débutant et sa reconstruction par Viollet-le-Duc selon Emmanuel Lansyer,

ou bien encore la célèbre vasque romaine de la Villa Médicis par Corot toujours puis par Maurice Denis. Vous composerez à votre guise, apprécierez selon vos penchants et goûts.

Rien n’est véritablement à comparer dès lors que l’éclectisme propre au XIXe siècle ne suggère en rien des rapprochements ou des oppositions systématiques. Pourquoi ne pas apprécier dans un même élan de sympathie la douce caresse d’ Albert-Ernest Carrier-Belleuse (sculpteur et peintre originaire d’Anizy-le-Château (1824) dans le marbre ou la sensualité très politique du peintre vendéen Merry-Joseph Blondel qui nous propose une synthèse des trois journées de juillet 1830, les Trois Glorieuses, que n’auraient sans doute pas dénigrée les trois cavaliers enfants de roi sans pour autant le faire savoir aux adeptes de la monarchie. Quant aux républicains ils touchent là de la vue l’objet de leurs supposés fantasmes :
Vous l’avez compris je pourrais vagabonder en votre compagnie sous les auspices de l’art, sans raison, sans but mais pas sans rêves. Là est l’essentiel. Sans doute est-ce pour cela aussi que la modernité dans ses installations surprenantes, pour reléguée qu’elle soit dans le grenier, n’en est pas moins stupéfiante, aimable et émouvante dans la surprise qu’elle engendre. Voyez plutôt, je vous tiendrai modérément informés ensuite :
De quoi s’agit-il ici ? De mots projetés, mots sélectionnés par l’auteur Charles Sanderson, Finlandais, sur la charpente du XVIe siècle du ‘Mudo’. La surface de ce grenier est d’environ 500 m2 et sa hauteur = 14 m. Effet de surprise garanti. On y est on rêve, on sort : rêveries en tête. Heureusement les images ne touchent pas tant que la réelle présence de ce lieu ponctué de lettres.
Ce beaucoup est-il tout ? Pour cette note de blog un peu longue, presque. Je réserve toutefois pour la sortie (mais en laissant pour votre soif un « espace boutique » qui présente aussi de séduisants vestiges de bois sculptés) une salle gothique de la porte d’entrée bâtie autour de 1305 et décorée de même. Dans un angle un curieux combattant gaulois du premier siècle vous dévisage, à moins que ce ne soit vous qui ne soyez scotché par son fixe regard. Il nous vient de près, Saint-Maur-en-Chaussée, et n’a daigné sortir de terre qu’en 1984, pour notre étonnement encore :
Quand, soudain, du voûtain, au-dessus de ma tête, tombèrent des sons de flûte, de viole, de cornemuse, de trompette marine, de tambourin. J’ai levé les yeux et vis les musiciennes, charmantes, charmeuses même et aussitôt j’ai aimé leurs écailles, leurs nageoires, leurs queues. Plusieurs se sont dérobées au photographe, pas les cinq. Voici l’une d’elle, ainsi s’offre-t-elle à vous comme à moi :
Elles ont été peintes à fresque peu après l’édification de la porte, donc au tout début du XIVe siècle et ont été restaurées tout récemment.
En savoir plus : http://mudo.oise.fr
Mudo, Musée de l’Oise, 1 rue du Musée, 60000 Beauvais. 03 44 10 40 50