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Reims et la Champagne au temps de Jean-Baptiste de La Salle

Reims au temps de Jean-Baptiste de La Salle, du milieu à la fin du XVIIe siècle.

Caractères généraux.

La cité de Reims, qui fut une capitale majeure de l’Empire romain ayant succédé à une très vaste agglomération fortifiée gauloise, connaît au Moyen-Âge une prospérité économique à la marge des grandes foires de Champagne (commerce de la laine surtout) et exerce une influence culturelle certaine par ses écoles renommées et le prestige des sacres royaux. Elle conserve au XVIIe siècle bien des caractères de la « bonne ville » médiévale : cité encore protégée par des remparts et siège d’un archevêché et d’une intendance royale.

Implantée dans une légère cuvette que dominent des collines éloignées – Montagne Saint-Thierry, Monts de Berru, Montagne de Reims — elle montre encore les vestiges de ses remparts limités au sud par le cours tortueux de la modeste rivière la Vesle ainsi que par des marécages en voie d’assèchement. De nombreux édifices religieux, dont une majestueuse cathédrale dans laquelle les rois de France sont sacrés et à laquelle s’ajoutent Saint-Remi et Saint-Nicaise, de vastes proportions et gardiennes d’insignes reliques, manifestent à Reims la présence de l’Église, puissance spirituelle et temporelle qui en cette cité a plus d’influence que le roi.

Toutes ses rues ne sont pas encore pavées, toutes ses maisons pas encore totalement en pierre. Le siècle précédent a connu le début de la désaffection du bois et a vu nombre de façades à pans de bois transformées en parements de pierres avant que la mode de l’immeuble tout en pierres ne s’affirme.

Peu éloignée de Paris et des principaux courants d’échanges économiques entre les Flandres et les Midis, son activité repose essentiellement sur le commerce fort dynamique de la laine, matière première qui avec le lin lui assurent la renommée d’une « ville drapante », et sur celui des « vins tranquilles », rouges et blancs, « de la Montagne ou de Rivière ». Des hommes de Lettres comme La Fontaine[1] et des nobles influents à la cour assurent dans le royaume et à l’extérieur la renommée de Reims. Au sujet du vin, le XVIIe siècle finissant participe à la timide, lente et encore provisoire élaboration d’un vin, le Champagne, qui plus tard diffusera par ses bulles le nom de Reims. Ce « sparkling wine » dont la notoriété transite par l’Angleterre avant de jeter ses étincelles sur la planète, n’est encore à l’époque de Jean-Baptiste qu’une curiosité pétillante rarissime. Il n’est en rien l’image révélatrice de notre ville au temps de Louis XIV, de Mgr Le Tellier, de Colbert, de Jean-Baptiste de La Salle ou de Monsieur Paul. Une trentaine de milliers d’habitants y vivent, beaucoup d’entre eux y survivent.

 

La population de Reims au milieu du XVIIe siècle est de l’ordre d’un peu plus d’une trentaine de milliers d’habitants, dont environ 800 religieux répartis sur les 14 paroisses de la ville. À la fin du siècle, le Conseil de Ville annonce 26 000 habitants et 11 à 12 000 à la mendicité. C’est le rapport entre ces deux nombres qui nous importe aujourd’hui : la France d’Ancien Régime est composée d’une société marquée par l’immense écart des moyens de vie entre les plus riches et les plus pauvres. Un siècle plus tard, la population de Reims est à nouveau voisine de 30 000 habitants.

Les désastres des guerres, le séjour des armées et l’arrivée soudaine des pestes (1635, 1668…) et autres contagions font que l’état de la ville est bien souvent celui de la désolation. Le spectacle de vagabonds nombreux et de bandes d’enfants affamés est fréquent. À la fin de 1651, le chanoine Lacourt note ; « La ville avoit à sa charge un ombre infini de pauvres enfans de la campagne dont les parents avoient péri durant la mortalité et la plus grande partie de nos villages estoient deserts ou demolis ou bruslez ». La mort est omniprésente. Les cimetières de la ville constituent un espace d’environ 14 000 m2. Si en année normale on enfouit environ 2 à 300 corps, lors des grandes épidémies auxquelles s’ajoutent les calamités naturelles et les guerres on arrive au nombre d’un petit millier de corps. L’absence d’hygiène, la contagion par les nappes phréatiques dressent un sombre tableau de la cité dans le cours du XVIIe siècle, tableau qui n’est pas propre à la ville de Reims, mais à la plupart des villes de l’époque.

Ce descriptif de l’aspect général de la ville nous évoque ce qu’a connu Jean-Baptiste de La Salle, mais il faut avoir à l’esprit que ce qui nous apparaît aujourd’hui comme choquant n’était pas nécessairement vu comme tel à l’époque, à cause de la banalisation des faits induite par l’habitude et l’accoutumance.

Pour en savoir plus sur l’état de Reims au XVIIe siècle on lira avec profit : Robert Benoit, Vivre et mourir à Reims au Grand Siècle (1580-1720), Artois Presses Université, 1999, 256 p. ; excellente et irremplaçable étude sur la question.

[1] On retient notamment : « Il n’est cité que je préfère à Reims/ C’est l’ornement et l’honneur de la France/ Car sans compter l’Ampoule et les bons vins,/ Charmants objets y sont en abondance. »

Jean-Baptiste de La Salle et l’enseignement, à Reims et en Champagne.

         Jean-Baptiste de La Salle est né à Reims le 30 avril 1651, fils de Louis de La Salle et Nicolle Moët de Brouillet. Jusque l’âge de neuf ans il est éduqué dans sa famille, puis au Collège des Bons-Enfants. Il reçoit la tonsure à onze ans, devient chanoine à quinze ans, soit le parcours attendu d’un jeune de l’époque, ayant une vocation religieuse et appartenant à la petite noblesse par sa mère, à la noblesse de robe par son père, juriste, conseiller au présidial de la ville. Jean-Baptiste est ensuite formé au séminaire Saint-Sulpice à Paris à l’âge de dix-neuf ans, il reçoit également des cours de théologie à la Sorbonne. Les décès rapprochés de sa mère et de son père l’obligent à rentrer à Reims pour prendre soin, en tant qu’aîné, de ses nombreux frères et sœurs (11 dont 7 en vie) dont il a la tutelle. Jean-Baptiste termine donc ses études de théologie à Reims et obtient la licence et le doctorat.

Contexte général.

Lorsque Jean-Baptiste de La Salle ouvre à Reims des écoles chrétiennes, son but n’était pas tant d’instruire les enfants, comme on l’entend aujourd’hui, par la lecture, l’écriture et le calcul, certes mis en avant et parfaitement enseignés selon les méthodes usuelles du temps, qu’il complète ou améliore, mais ses vues étaient plus précises et plus orientées : il voulait avant tout arracher les enfants pauvres à la corruption (terme à comprendre comme l’abandon du plus grand nombre à la rue, sans surveillance des parents et donc sous la pression de chefs de bandes) et les guider ainsi vers le Ciel par le moyen d’une éducation chrétienne soigneusement encadrée, sans faiblesse, mais sans excès de coercition physique.

Son action s’inscrit dans un vaste courant de réformes éducatives soutenu par la Contre-Réforme qui lutte contre la culture orale traditionnelle plus ou moins bien transmise par des parents non instruits et malmenés par la violence des temps.

En effet on ne peut comprendre l’action des nouveaux enseignants comme Jean-Baptiste de La Salle ou avant lui Nicolas Roland à Reims, — mais encore le Père Barré à Rouen ou Charles Démia à Lyon par exemple — si on ne replace pas l’action de ces éducateurs dans le contexte de la France du milieu du XVIe siècle au milieu du XVIIe siècle, soit un siècle environ de tueries, brigandages, viols, prostitution comme la France n’en avait plus connus sans doute depuis la guerre de Cent Ans. Ces extraordinaires violences, qui correspondent au début des Guerres de Religion jusqu’à la fin de la guerre de Trente Ans et de la Fronde, vont voir nombre de villages disparaître (une trentaine au nord de Reims), leur population trouvant un refuge périlleux dans la misère et l’errance propres aux faubourgs des villes fortes, souvent hors de la relative sécurité que procurait autrefois l’enceinte des anciens remparts maintenant délabrés.

Contexte rémois.

Le chanoine Nicolas Roland avait rencontré à Rouen le Père Barré et décidé de prendre en charge l’orphelinat constitué par Dame Varlet et de l’installer à Reims, rue du Barbâtre, en une voie de communication reliant le centre de la Cité au faubourg Saint-Remi. Là des religieuses parviennent à accueillir des vocations enseignantes féminines et dès 1674 Nicolas Roland peut ouvrir quatre écoles de filles qui reçoivent presque un millier d’enfants sous la conduite de seize institutrices. Il décède hélas quatre années plus tard affaibli par la maladie et l’ascèse trop rigoureuse qu’il suivait avec application. Jean-Baptiste de La Salle, poursuit son œuvre : Nicolas Roland avait été son directeur de conscience. Bientôt la Communauté des Sœurs du Saint Enfant Jésus reçoit les Lettres patentes royales (1679) et la fondation se répand dans le diocèse où des sœurs sont envoyées deux par deux dans les campagnes et bourgades champenoises, où elles enseignent, mais aussi encadrent les fillettes ou jeunes femmes du pays.

De son côté Jean-Baptiste de La Salle réfléchit à la création d’une institution analogue pour les garçons et saute le pas, c’est-à-dire se lance corps et âme dans la vocation qu’il développe, luttant contre l’hostilité de ses proches qui trouvent son attitude indigne de la noblesse, d’autant que pour réaliser son œuvre il va jusqu’à abandonner sa charge de chanoine, source de revenus et de prestige, et à accueillir chez lui de grossiers maîtres d’école non rompus aux subtilités du savoir-vivre bourgeois. Il n’est pas délaissé de tous heureusement puisque sa parente rouennaise, Madame Maillefer, lui avait envoyé un maître d’école, Adrien Nyel, qu’il installe dans la paroisse Saint-Maurice et qui influence profondément son protecteur. Des vocations se font jour bientôt et quatre jeunes hommes rejoignent l’œuvre, Jean-Baptiste les nomme dans la foulée à Saint-Maurice et Saint-Jacques, deux paroisses au cœur de la ville. De même il a lui aussi obtenu le soutien du Père Barré et dans l’élan propre aux fondateurs d’ordre ou autres personnalités animées d’une volonté farouche d’atteindre un but précis, il fonde en 1683 (dans la pratique entre 1678 et 1688) une communauté de l’« Institut des Frères des Écoles chrétiennes » qui ne cessera de croître. Son école il la veut gratuite, de manière à n’exclure personne, gratuite également pour les enfants riches afin que les pauvres, par comparaison, ne soient pas humiliés par une discrimination liée à la fortune. On devine ici la modernité et l’audace de l’approche.

Il est curieux de noter en effet comment un jeune issu de la noblesse d’une ville drapante, en une cité archiépiscopale célèbre par le prestige qu’elle met en scène lors des sacres royaux, parvient à échapper aux contraintes d’un milieu social élevé pour s’engager dans une contestation radicale qui le place en un rang socialement inférieur et donc décrié. Pensons bien au fait qu’il a rencontré et connu dans son enfance au coeur du centre économique de la ville, au Forum, « Place du Marché aux bleds et aux draps », où se négocient denrées et toiles et où se changent les monnaies, tous ceux qui comptent socialement : les détenteurs du pouvoir politique, les représentants de la noblesse et du haut clergé, les propriétaires des maisons de ville qui troquent leurs anciennes demeures charpentées en pans de bois pour de riants et décorés hôtels particuliers dans le style Renaissance ou à la Française, tel celui que les parents de Jean-Baptiste ont acheté et où ils habitent, l’Hôtel de la Cloche, rue de l’Arbalète et de la Chanverie, dans l’angle nord-ouest dudit Forum, à quelques pas de la cathédrale et du quartier de résidence des chanoines. Voilà bien la marque d’un engagement chrétien total, d’un bouleversement radical dans la droite ligne du message évangélique, et totalement ancré dans les vicissitudes du moment. L’extrait suivant, dans la langue de l’époque, tiré du « Discours sur l’institution des maîtres et maîtresses d’écoles chrétiennes et gratuites », Rouen, 1733 (reproduit dans le Cahier lassalien N° 7) donne le ton et indique la route à suivre :

« … ces enfans qui ne reçoivent la vie du corps, ce semble, que pour perdre celle de l’ame, qui ne trouvent dans la maison paternelle que des exemples pernicieux, et qui ne reçoivent d’instruction que pour le mal ; ces enfans vagabonds qui courent les rues… … où doivent-ils et où peuvent-ils chercher l’instruction Chrétienne ? … … Combien y a-t-il d’Ecclésiastiques dans le Roïaume qui fassent et qui veüillent faire ce que font les Frères à l’égard de cette pauvre jeunesse, qui veüillent comme eux se faire une profession et leur unique profession de tenir des Ecoles Gratuites et Chrétiennes ? ».

Contexte champenois.

Notons d’abord que la Champagne n’est pas en reste quant au développement de l’éducation dans les campagnes, elle a même, depuis la fin du Moyen-Age une notable avance sur d’autres provinces du royaume. C’est donc davantage sur la manière et les buts que Jean-Baptiste de La Salle va construire une méthode originale d’enseignement. Le motif en est d’abord que pour enseigner il faut des maîtres compétents, et surtout disponibles. Cette disponibilité Jean-Baptiste va la vouloir totale, d’où l’intérêt qu’il trouve dans un engagement des frères de la communauté en dehors du clergé et si possible en marge de la hiérarchie ecclésiastique. Par un heureux concours de circonstances il trouve un appui des plus efficients en la personne du Duc de Mazarin, Armand Charles de La Porte, époux d’Hortense Mancini, nièce du célèbre cardinal Mazarin. Celui-ci est titulaire du duché de Rethel-Mazarin en 1663, étant lui-même de par son père et sa mère à la tête d’une immense fortune, tant terrienne que de fonction. En 1681, séparé de sa femme, il garantit pour Nyel et La Salle le premier paiement des maîtres formés à Reims et envoyés à Rethel et Château-Porcien. Dès lors s’ouvre une collaboration constante entre ce protecteur et l’œuvre lasallienne en gestation, puis très vite en développement en Champagne. Ainsi vont naître les premiers instituts de formation des maîtres, intuition majeure, profonde originalité dans le système éducatif balbutiant de la fin du XVIIe siècle. Ce sont d’abord des femmes qui sont formées pour enseigner aux filles des campagnes, puis le duc étend aux garçons ce privilège alors inouï d’être enseignés plutôt que d’être aux champs, nous sommes en 1683 et la Champagne sous contrôle du duc se voit alors équipée de salles de classe sous la férule de maîtres formés à Reims puis ailleurs, classes gratuites et en principe obligatoires pour les enfants de moins de quatorze ans. Un contrat est signé en 1685 entre La Salle et le duc de Mazarin, mais il se heurte inévitablement à l’opposition de l’archevêque de Reims. Qu’à cela ne tienne, le duc va installer en dehors des zones où s’applique la juridiction de l’archevêque cette nouvelle institution. À commencer par le diocèse de Laon et de petites villes entre Rethel et Laon. À partir de 1686 et jusqu’en 1691 (en 1688 Jean-Baptiste quitte Reims pour Paris, il n’accepte pas l’offre de direction de l’ensemble des écoles du diocèse que lui fait l’archevêque) le centre de formation de Reims compte jusqu’à trente stagiaires. Ainsi débute l’originale création à Reims et en Champagne de ces centres de formation des maîtres dont les méthodes vont marquer les esprits et toujours susciter des vocations, prouvant ainsi la justesse de vue de leur fondateur.

Synthèse écrite par J.-Pierre Boureux en 2014 dans le contexte de la création de l’espace scénographique dédié à St-J.-B. de La Salle.

Reims et Jeanne d’Arc : épisode 2 = histoire locale

           Elle part, s’enfuit presque pour obéir à ses voix, n’a qu’environ 17 ans, parvient peu à peu à constituer une petite troupe de chevaliers armés qui grossit en chemin. Nous sommes à la fin de l’hiver 1429. Sa chevauchée est bien connue, des plaques commémoratives nous rappellent les lieux de son séjour ou passage. Elle rencontre son ‘gentil Dauphin’ le 6 mars à Chinon, puis Orléans est libéré le 8 mai !

            Le vendredi 15 juillet des négociations ont cours dans la forteresse de Sept-Saulx,   appartenance de l’archevêque de Reims, au sujet de la soumission de Reims. Et le 17 juillet Charles VII est sacré dans la cathédrale de Reims, la cérémonie est longue : 5 à 7 heures. Les parents de Jeanne sont venus pour l’occasion et ont logé à « L’Âne rayé » près du Palais épiscopal, Jeanne on ne sait où. Le roi et son entourage demeurent à Reims jusqu’au 21 où le cortège se rend à Corbeny dans le Laonnois proche où les rois ont coutume de toucher les malades atteints des écrouelles (scrofules) et ainsi de les guérir peut-être, preuve du pouvoir divin du roi que l’on dit alors « thaumaturge », c’est-à-dire qui a pouvoir de guérir, tel un saint. Puis le 22 juillet le cortège royal et militaire gagne Vailly-sur-Aisne, ville forte nouvellement échangée par le roi (1379) contre Mouzon, à l’archevêque de Reims. Là, on dort sur place et l’on reçoit la soumission de Laon, avant de gagner Soissons le lendemain. Voilà pour notre région, voilà pour l’essentiel de la mission de Jeanne, qui, – elle ne le sait pas, -a moins d’un an à vivre. Parmi les lettres qu’elle a pu envoyer aux Rémois nous avons connaissance de trois, dont l’une (écrite à Sully-sur-Loire le 16 mars 1430), après divers lieux de séjour, fut promise à la Ville de Reims et fut apportée à Jean Taittinger le 17 février 1970, elle est conservée aux Archives communales de la cité :

Du 15 au 18 juillet 1907 (après la béatification) des journées festives avec bénédiction de la statue « Jeanne au sacre » d’ivoire et d’or de la cathédrale due au sculpteur Prosper d’Epinay se déroulent à Reims. Il en sera de même après la canonisation (1920) dont la fête liturgique se célèbre le jour anniversaire de sa mort, le 30 mai ; ensuite à partir de 1921 sont organisées annuellement des cérémonies de diverse nature. On retiendra le retour de la statue du sculpteur Paul Dubois, sous les auspices de l’Académie Nationale de Reims (1921) et le don (souscription) par des Britanniques de la réplique de l’étendard de Jeanne à la cathédrale. Ce sont là les souvenirs tangibles et la mémoire de Jeanne à Reims.

statue par Prosper d’Epinay, cliché J.-P. Boureux

Dans la victoire elle demeura modeste et respectueuse de ses ennemis chaque fois que ce fut possible ; dans la défaite et les doutes elle fit preuve de la plus grande détermination et audace et ce jusque son exécution par le bûcher. Quelques-unes de ses répliques à ses juges, ironiques, percutantes et surprenantes, sont devenues célèbres à juste titre. Nous ne donnons ici qu’un extrait de la description qu’elle fait de son enfance, le jeudi 22 février 1431, deuxième séance publique du procès :

« Quand j’eus l’âge de treize ans, j’eus une voix de Dieu pour m’aider à me gouverner. Et la première fois j’eus grand peur. Et vint cette voix environ l’heure de midi, au temps de l’été, dans le jardin de mon père, en un jour de jeûne. Je n’avais pas jeûné la veille. J’ouïs la voix du côté droit vers l’église, et rarement je l’ouïs sans clarté. … »

statue par Paul Dubois sous la neige du 7 février 2018, cliché J.-P. Boureux

Documents utilisés = Abbé Jean Goy, brochure de la Direction des Relations publiques de la Ville de Reims, 1984, 28 p.    [dont illustration de la lettre avec la signature de Jeanne]     Jacques Trémolet de Villers; Jeanne d’Arc. Le procès de Rouen, Tempus, mai 2017, 361 p.

 

« Villedo » et Reims

Laissons « Villedo » et l’île de Sumbawa, bien lointaine, bien proche pour nous intéresser ce jour à Ville-Dommanche vu par un auteur qui rédige en 1827. Ecriture fort éloignée de notre temps, esprit cultivé qui fait référence aux cultures chrétienne et antiques selon l’habitude de cette époque toute imprégnée de références gréco-latine et biblique. L’article est long, nous ne donnons qu’un large extrait.

Il est encore nécessaire de préciser que d’un point d’observation tel que la colline de Saint-Lié le paysage est un « belvoir, un beauvais, un montmirel, un beauregard… », soit un lieu d’où l’on voit au mieux et qui, en principe, se voit également de loin. Tel est bien le cas de Saint-Lié, visible autrefois depuis Reims, et endroit où la vue s’étend jusque Reims et l’étendue de la Champagne environnante. Pas surprenant qu’il fut un lieu sacré hérité des cultures celte, romaine et leurs héritières successives. Ici souffle de par nécessité le vent des âges, sans commencement ni fin. Ni finalité mais avec faim. Nous donnons sens aux choses qui n’en ont pas, c’est bien ainsi.

Tableau historique statistique et topographique de la montagne de Saint-Lié, et des villages de Ville-Dommange et Sacy, canton de Ville-en-Tardenois, arrondissement de Reims, département de la Marne, présenté à la société d’agriculture, commerce, science et arts du département de la Marne en 1827 par Povillon-Piérard, de Reims, l’un de ses membres correspondants.

                « En effet il suffit de choisir la plus belle journée, soit en été, soit en hiver, pour apprécier les jouissances que procurent à l’œil et à l’âme du voyageur les lieux qu’on découvre lorsque l’on est sur cette montagne. Au lever de l’astre du jour, et lorsqu’il commence à dorer les guérets de nos campagnes, on voit la ville de Reims dans toute sa plus grande étendue, sortir d’une épaisse rosée, et semblait s’élever vers le ciel avec cette belle forêt qui borde si avantageusement ses murs de ce côté ; autour d’elle et dans le lointain on croit voir à ce même moment toutes les montagnes qui l’environnent prendre naissance de ces nuages légers qui en surgissent, afin de ceindre cette ville superbe d’un double diadème formé par la nature. Les vastes plaines, les riches prairies, plus de trente-deux villages qui se trouvent dans cet espace de près de vingt lieux de circuit, attendent ainsi que les rayons de cet astre, principe de chaleur et de vie, les faisant naître peu à peu, en les dégageant de ce fluide nutritif, qui en se balançant majestueusement devant lui, se perd insensiblement dans l’atmosphère, pour y reparaître encore à son coucher, et recommencer nos jouissances. … …

                La Vesle, cette belle naïade aux cheveux argentés, et qui lui tresse, le matin et le soir, de ses mains humides, une couronne de nuages légers, verse à ses pieds son urne salutaire, si chère à la santé des habitans de cette ville, et si précieuse pour leur industrie. Çà et là s’élèvent majestueusement de vastes bâtimens, vrai s foyer d’activité commerciale ; partout aussi sur les bords fleuris du lit de cette nymphe rémoise, sont des usines utiles à la vie de plusieurs milliers d’individus, peuplant l’immense terrain que nous explorons. »

                L’auteur évoque encore, plus loin, « Bacchus majestueusement assis sur sa pente, et le thyrse à la main montrant avec orgueil son vaste empire établi sur cette longue chaîne de montagnes et de collines. … À nos pieds et sur la pente de la montagne de Saint-Lié, ce n’est plus Bacchus au visage rubicond, qui y étale ses brillantes productions mais Vertumne, assise sur un modeste gazon qui de ce côté tapisse la montagne, et semble se perdre dans un espace de terrain moins fécond encore. » Précédemment il avait mis en valeur l’histoire religieuse de Reims et celle de la paroisse Notre-Dame de Saint-Lié qui contrôlait Jouy, Villedommange, Sacy, Clairizet et Saint-Euphraise, non sans avoir longuement évoqué la vie de saint-Lié, la dédicace à Saint-Jean Baptiste en 830, le transfert des reliques du saint éponyme après sa mort qui est datée de 533 ou 534.

Reims et les villages proches de Villedommange depuis la butte de Saint-Lié

La butte de Saint-Lié mesure environ 150 m x 120 m, elle a une élévation d’environ 5m par rapport aux vignes environnantes et se situe à une altitude de l’ordre de 225 m. Nous donnons ici une vue aérienne extraite du site Google Earth. Nous terminons l’article par la photographie de la sculpture figurant Notre-Dame de Saint-Lié, bien connue des pélerins et des promeneurs.

Reims et les vitraux contemporains de sa cathédrale, dedans, dehors, ailleurs.

L’histoire et les retentissements de la pose des vitraux contemporains dans la cathédrale de Reims sont bien connus. La première artiste contemporaine présente sur le verre de la cathédrale de Reims fut Brigitte Simon en 1961 (puis 1971 et 1981),

Brigitte Simon
grisaille de Brigitte Simon, transept sud de la cathédrale

vint ensuite Marc Chagall en 1974, installé dans la chapelle axiale

Marc Chagall, chapelle axiale du choeur de la cathédrale
Marc Chagall, chapelle axiale de la cathédrale, vue partielle

le troisième en date, Imi Knoebel, fut choisi à l’occasion du huitième centenaire de 2011, présenté immédiatement à la gauche et à la droite du deuxième dans deux chapelles latérales.

Imi Knoebel, vue partielle de l'une des verrières
Imi Knoebel, vue partielle de l’une des verrières

A la fréquentation de Simon et Chagall les Rémois se sont peu à peu habitués, avec Imi Knoebel ils laissent paraître encore, comme moi, quelque effarouchement, de même que les visiteurs, du moins pour ce que j’en entends sous les voûtes. Le figuratif doux de Chagall ne voisine pas bien avec l’abstraction vive de Knoebel, dès lors que les vues simultanées de l’un et de l’autre provoquent la confrontation d’images et donc d’opinion, la mienne étant par définition fort subjective.

confrontation visuelle Chagall - Knoebel
confrontation visuelle Chagall – Knoebel
confrontation reconstituée après rééquilibrage des tonalités et rapprochement artificiel des vues
confrontation reconstituée après rééquilibrage des tonalités et rapprochement artificiel des vues

Depuis l’extérieur, ce qui n’est pas prévu par ailleurs dans le cadre d’une vision habituelle de vitrail, la virulence éclate également, comme on le voit ci-dessous. A gauche Knoebel, à droite Chagall. Ci-dessous des vues plus rapprochées de l’un et de l’autre.

Verrières latérales de Knoebel en vision partielle inversée
Verrières latérales de Knoebel en vision partielle inversée, depuis l’extérieur
vitrail de Chagall en position inversée, de nuit, depuis l'extérieur de la cathédrale
vitrail de Chagall en position inversée, de nuit, depuis l’extérieur

Cette façon de voir est accidentelle et ne correspond en aucun cas à une volonté de mettre en valeur ces vitraux ; elle résulte de l’effet fortuit d’éclairage intérieur de la cathédrale. Cela ne signifie pas que cette manière de voir ne serait pas à développer, après tout la mise en valeur de nuit de nos bâtiments patrimoniaux n’est que la résultante de modalités pratiques et techniques initiées par l’électricité. La généralisation de cette pratique à l’égard des vitraux permettrait de leur donner une vie nocturne et de compléter autrement l’illumination scénographiée de nos édifices. La seule nuisance est l’inversion par rapport à la volonté initiale de l’artiste.

Dernièrement la visite de la nouvelle exposition du Musée des Beaux-Arts, ailleurs donc, installée en hommage aux fondateurs du musée avant le transfert souhaitable et programmé des collections dans un futur musée à édifier au Boulingrin, m’est apparue comme une épiphanie de cathédrale idéale.

Ai-je été jusqu’alors assez stupide pour n’y avoir point songé ? Mais bien sûr, ce ne sont pas les vitraux de la cathédrale qui sont l’objet d’un débat, qu’on se satisfasse ou que l’on se chagrine de leur présence, depuis l’intérieur ou l’extérieur de leur écrin, mais seulement le manque de lisibilité de la cathédrale depuis le vitrail de Knoebel offert au musée lors des cérémonies dudit huitième centenaire. C’est ailleurs et non dedans ou dehors que la rumination d’art fait saliver, et c’est ici. Voyez ce vitrail, puis approchez et vous serez vous aussi convaincus de cette intuition diabolique.

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vue sur la cathédrale depuis le vitrail de Knoebel au Musée des Beaux-Arts de Reims
tours de la cathédrale et clocheton de l’ancienne caserne des pompiers
gros plan sur la cathédrale depuis le vitrail

Les tours de la cathédrale ne sont pas nettes, sa représentation est floue tout comme celle de la tour de séchage des tuyaux de l’ancienne caserne des pompiers de la cité. Là est le feu qui couve. Voilà bien ce qui provoque l’ire ou le contentement de quelques Rémois ; ici la querelle des Anciens et des Modernes n’est qu’une affaire de myopie, d’absence de netteté de vue et en conséquence le point de vue que l’on s’en faisait jusque-là était donc faussé par un énoncé fallacieux de la question. Encore fallait-il le démontrer et peut-être ne s’agit-il que d’un cas d’école rémo-rémois.

Conseil de l’auteur : au cas où mon propre jugement se serait égaré à cause d’une défectuosité de vue inconnue de moi, venez et constatez de vos propres yeux, vous ne regretterez pas votre déplacement quoi qu’il en soit. De même qu’au moins depuis Montaigne nous savons que la vérité est différente d’un côté et de l’autre des Pyrénées, désormais vous saurez que la vision d’un vitrail depuis ses faces internes ou externes et plus encore au-delà de ces faces inspire des réflexions variables et subjectives.

Vous trouverez sur le site de la DRAC : http://www.cathedrale-reims.culture.fr ou celui des ‘Amis de la cathédrale‘ : http://www.amis-cathedrale-reims.fr/                                         des informations sur les vitraux de la cathédrale ou sur leur restauration, dans une tonalité et un sérieux bien différent de la légèreté de cette libre expression.

Pour entrer dans l’art d’Imi Knoebel et sa conception des vitraux de Reims une approche synthétique est donnée par un numéro hors-série de ‘Connaissance des Arts‘, le numéro 499, Reims, la cathédrale et les vitraux d’Imi Knoebel, 2011, 67 p.

Marcel Proust, Mme Williams sa voisine et Reims.

On a oublié que Marcel Proust qui aimait tant se coucher de bonne heure fut aussi un voisin délicat. Mais comment le savoir si ce n’est écrit quelque part et comment aurait-on deviné que cet auteur renommé ait pu écrire à une voisine du troisième étage lorsqu’il résidait 102 boulevard Haussmann à Paris ? La découverte récente de quelques lettres retrouvées et publiées chez Gallimard et disponibles à notre lecture et plaisir ce jour, comble cette lacune et pour nous Rémois nous dit l’attachement de Proust envers notre cité.

références sur la première de couverture et ISBN = 978-2-07-014224-8
septembre 2013, 86 p.

L’intérêt autre que littéraire, est que Marcel Proust donne dans une de ces lettres datable de Noël 1914 son point de vue sur la récente destruction partielle de la cathédrale suite à l’incendie provoqué par un bombardement allemand en date du 19 septembre 1914.

L’affaire a fait grand bruit et Reims devient alors le symbole de la barbarie germanique. Au reste, astucieusement, Proust assure que « le désastre de Reims, mille fois plus funeste à l’humanité que celui de Louvain – et à l’Allemagne d’abord, dont Reims à cause de Bamberg était la cathédrale préférée – n’est-il pas un crime aussi froidement conçu. »

De fait l’incendie de Reims est relaté partout dans la presse et différents supports écrits, figuré et photographié, pendant et après l’incendie. Marcel Proust analyse ensuite ce qui lui fait apprécier Reims, comparativement à Amiens, Chartres ou Paris. Il évoque également des séjours à Reims qui : « …tant que ma santé me le permet fais aux pierres de Reims des pèlerinages aussi pieusement émerveillés qu’aux pierres de Venise… »

J »aimerais trouver la trace de ces pèlerinages ! Non spécialiste de littérature ma mémoire n’a pas retenu de telles citations chez cet auteur et un rapide parcours de mes notes, une brève excursion chez des amis plus au fait ne m’apporte rien non plus. Attendons la sagacité de quelque érudit concitoyen pour expertiser l’anecdote.

Evoquant ‘le sourire de Reims‘ Proust est dans la mouvance de ce qui s’écrit en son temps ou peu avant (Emile Mâle puis André Michel en particulier) sur cette superbe cathédrale. Peut-être a-t-il lu également dans ‘Le Matin‘ en date du 21 septembre 1914 le bel article d’Albert Londres : « ils ont bombardé Reims et nous avons vu cela ! »  où l’auteur établit également des comparaisons avec les cathédrales de Chartres et Paris ? Ce n’est qu’à cause de l’incendie et du bombardement volontaire que ce sourire va devenir à jamais ‘l’Ange au sourire‘. Cela dès 1915 à la suite d’un article du New-York Times relatant l’achat d’une tête d’ange de Reims par un riche industriel américain. Non fondée l’assertion déclenche des recherches à Reims et l’architecte Max Sainsaulieu retrouve la plus grande partie de la tête qui avait été mise à l’abri sitôt l’incendie par l’abbé Thinot. Cet ange, celui de Saint-Nicaise, la tête lui tourne et tourne désormais de par le monde, parfois en voisine  de nos non moins célèbres bulles. On ne choisit pas ses voisins.

 pastel réalisé par mes soins en 1996 avant que ne se soient répandues les reconstitutions virtuelles colorées sur les monuments. Ci-dessous l’ange au sourire projeté sur la façade de la cathédrale lors de l’une de ces soirées-spectacles par ailleurs évocatrices de certaines formes du passé, même si le contenu ‘scientifique’ est laissé de côté.

l’‘Ange au sourire’ tel qu’il sourit en 2013 sur le portail latéral nord de la façade de la cathédrale Notre-Dame de Reims

Alors, amis lecteurs, si vous trouvez chez Proust une allusion à ses ‘pèlerinages de Reims’ racontés autrement qu’à sa charmante voisine, Marie Williams, je vous serais reconnaissant de me le faire savoir.

-pour en savoir plus sur « l’Ange au sourire » vous pourrez lire nos bons auteurs historiens rémois aux références multiples sur le web, parmi lesquels MM. Patrick Demouy et Yann Harlaut.

-pour fréquenter la compagnie des principaux auteurs qui ont écrit sur ou autour de Reims la lecture de : Dominique Hoizey, Reims entre les lignes, Messene, 1995, 93 p. sera une excellente approche. On complètera utilement par un article récent du même Dominique Hoizey, précis dans sa documentation autant que par son écriture,  sur son blog :  http://lechatmurr.eklablog.com/recent .                                                                                         Il y expose une correspondance peu connue entre Romain Rolland, Stephan Zweig et Emile Verhaeren au sujet de la cathédrale de Reims. A lire absolument, y compris par des historiens.

 

 

 

Reims et la gastro.

neige du 13 mars 2013 à ReimsViolente en février, une grippe avec symptômes de gastro-entérite a frappé la Champagne et ses villes. On la pensait éradiquée. Las, elle accourt de nouveau mais par un phénomène de transmission mal détectée elle semble véhiculée surtout par des animaux. Les plus monstrueux d’entre eux semblent les plus affectés. En raison des intempéries des 12 et 13.03.2013 aucun vétérinaire n’était disponible. Devant l’urgence nous avons consulté plusieurs intervenants non assermentés.

Dans sa paisible retraite Le Vergeur dort et à proximité, sur l’antique Forum, un félin s’apprête à bondir. Nous les laissons à leurs méditations.

Hôtel Le Vergeur à Reims sous la neige

Escomptant autre conseil  nous nous transférons vers le sud, tout près, Place Royale. Là, emmitouflé sous sa houppelande de laine blanche et assis sur son ballot de même nature, le Marchand pense sans mot dire ni maudire.

Le Marchand Place Royale à Reims sous la statue de Louis XVAlors nous continuons l’enquête et questionnons quelques elfes, trolls et autres créatures sylvestres réfugiés en ville à cause desdites intempéries, que nous croisons au hasard de notre promenade, prolongée maintenant vers la cathédrale Notre-Dame.

Même Jeanne, notre bonne Jeanne de Paul Dubois, qui caracole, prétend ne rien entendre en l’affaire et passe son chemin, vers sa haute mission, vers le sacre.

Aurons-nous plus de satisfaction avec les doctes conseils des milliers d’ouvrages abrités dans les rayonnages de notre « Médiathèque Jean Falala » ?

Ou bien devrons-nous nous contenter de l’implacable et dure LOI proclamée sans cesse en face de nous ? Nous ne savons. Les pigeons savent mais demeurent muets, de toute manière nous ne pouvons faire confiance à ces volatiles encombrants (155 ce jour en ce lieu) plus enclins à roucouler et chier sur nos pierres qu’à orner nos réflexions.

Quant au Palais du Tau, célébrité rémoise, contaminé, sans doute vacciné, il ne souffre que d’une pelade légère et des baumes appropriés sans effets secondaires sauront en venir à bout dans les plus brefs délais, surtout si le soleil aide la médecine :

toiture du Tau à ReimsBien que sans réponses nous décidons d’ausculter enfin nos animaux, hors du secours de quiconque, si ce n’est celui des anges de l’immense cortège et host qui garde Notre-Dame : et bien, oui, ils sont terriblement malades nos animaux, affreusement touchés et monstrueusement dégueulants et vomissants. Nous ne sommes pas venus pour rien.

Le constat, pour préoccupant qu’il soit, n’est pourtant pas catastrophique. Il s’agit bien d’une épizootie, même d’une gargouillozotie ou gargantuazootie mais elle ne devient pas, apparemment du moins, une anthropo-épizootie, c’est-à-dire qu’elle ne contamine pas (encore ?) l’homme. Par précaution je m’éloigne cependant des gouttes qui tombent des naseaux secs (signe que la maladie est bien là) et m’ébroue. Il semblerait qu’un remède puisse venir à bout de ce mal rapidement. La Ville fait ce qu’elle peut, ne serait-ce qu’en permettant aux services sanitaires ainsi qu’à toute personne bienveillante de se transporter en sécurité autour et alentour de ce zoo contaminé mais soucieux de continuer son séjour au milieu des hommes. Afin que nul n’en ignore !

« Le poete, dit Platon, assis sur le trepied des muses, verse de furie tout ce qui lui vient en la bouche, comme la gargouille d’une fontaine« …
Montaigne, Essais, IV.

Hommage aux infirmières de la Première Guerre Mondiale : Reims, Pierrefonds et dans les coeurs.

La lecture du titre laisse entendre que Reims et Pierrefonds ont quelque chose à montrer, en dehors de l’attachement tout à fait justifié à la cause du dévouement des infirmières lors des conflits et spécialement lors de la guerre de 14-18.

En effet ces deux villes à caractère historique sont, au moins selon les sources dont je dispose, les seules à avoir ériger un monument consacré à la cause des infirmières.

      Celui de Reims est installé Place Aristide Briand, ex Square de l’esplanade Cérès comme on disait avant 1932 et fut inauguré le 11 novembre 1924. Les photographies ci-dessous vous en offrent des vues assez précises. Un ajout y fut placé pour honorer la mémoire d’infirmières et brancardiers tués à proximité lors d’un bombardement allié sur la ville le 30 mai 1944. Ce blog présente des notes courtes et si vous souhaitez connaître dans le détail l’histoire de ce monument rendez-vous ici :

http://www.crdp-reims.fr/memoire/lieux/1GM_CA/monuments/reims_infirmieres.htm

monument aux infirmières à Reims place Aristide Briand

le monument de la Place Aristide Briand à Reims

 Outre ce monument la Ville de Reims conserve un Livre d’Or des Infirmières où sont recensées toutes les infirmières tuées dans leur service, en France et dans le monde lors de la Grande Guerre.

L’autre monument destiné à prolonger la mémoire du sacrifice des infirmières est celui qui fut érigé à Pierrefonds après la guerre, dans le même but que celui de Reims, avec une mention spéciale pour Elisabeth Jalaguier, infirmière de l’hôpital n°226 tuée en ce lieu le 20 août 1918 lors d’un bombardement. Inauguré après restauration en 1955 il intègre à sa base une statue en bronze de Real del Sarte dont le plâtre original est conservé dans l’église Saint-Sulpice de Pierrefonds.  Là encore vous aurez plus de renseignements sur ce monument dans le site mentionné ci-dessus, ainsi que sur celui fort connu des passionnés de 14-18 nommé ‘les découvertes du chamois’ auquel j’emprunte la photographie jointe ci-dessous, en voici la référence :

http://chamois.canalblog.com/archives/2008/01/30/7760497.html

Monument aux infirmières de Pierrefonds

Monument aux Infirmières, square de l'Hôtel des Bains à Pierrefonds, photographie "le Chamois"

Voilà pour les deux monuments français. En ce qui concerne les coeurs ce n’est pas cette note qui va épuiser ni le sujet ni la reconnaissance des soldats et de leur famille. Observons seulement quelques photographies souvenirs.

Bien entendu des infirmières ont tenu parfois des carnets ou des albums avec photographies. De l’un de ceux-ci je vous propose ces trois infirmières suisses dont je ne connais pas les noms et qui figurent dans l’un de ces recueils de souvenirs émouvants

trois infirmières suisses en repos lors d'une excursion

trois infirmières suisses en repos lors d'une excursion

autres photographies du même album

éclats d'obus enlevés dans la peau de blessés

assez étonnants ces éclats d'obus extraits du corps des blessés et cousus sur carte !

Eclats d’obus recueillis à l’infirmerie de la Gare Saint-Jean de Bordeaux et expédiés par le service. Je ne dispose pas d’autres renseignements liés à cette pratique.

image très connue d'un brassard d'infirmière

brassard officiel avec tampons d'affectation

Il arrivait fréquemment que des soldats rédigent des lettres de reconnaissance à leurs infirmières préférées, leur offrent des cadeaux. Quelques soldats ont épousé leur infirmière, rien d’étonnant au fait. Plus étonnant est un ensemble de témoignages annotés par 78 soldats et inscrits dans un carnet spécialement rédigé pour la circonstance. Certains ont accompagné leur texte ou poème d’un dessin, d’une aquarelle ou gouache, ce que permettait de faire ce registre qui alterne page pour écrire et page pour dessiner. Je place ici l’un des textes et l’une des illustrations extraits de ce recueil rédigé à l’hôpital auxiliaire n° 110 de Caluire, pensionnat de l’Oratoire, à l’attention de mademoiselle Paule Cordet en 1915.

remerciements du soldat Marius Bruchon à son infirmière

poème et peinture en reconnaissance de soins

poème en anglais et peinture du soldat Maurice Ducot à son infirmière

Il faut bien clore et je le fais en citant une nouvelle fois Vailly-sur-Aisne et deux infirmières du lieu honorées spécialement pour leur conduite exemplaire :

Mademoiselle Adèle-Olympe Crochard (en religion soeur Sainte-Geneviève) a reçu la Croix de Guerre et la Médaille de la Reconnaissance Française ainsi que la ‘British Red Cross War Medals‘.

Il en fut de même pour mademoiselle Anna Heinrich, aide de Mlle Crochard, qui reçut la Croix de Guerre, la ‘British REd Cross‘ et fut élevée au rang de chevalier de la Légion d’Honneur.

Ce onze novembre 2011 est l’occasion de rappeler l’immense dévouement de ces femmes dans la guerre. Ne les oublions pas !