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« Villedo » et Reims

Laissons « Villedo » et l’île de Sumbawa, bien lointaine, bien proche pour nous intéresser ce jour à Ville-Dommanche vu par un auteur qui rédige en 1827. Ecriture fort éloignée de notre temps, esprit cultivé qui fait référence aux cultures chrétienne et antiques selon l’habitude de cette époque toute imprégnée de références gréco-latine et biblique. L’article est long, nous ne donnons qu’un large extrait.

Il est encore nécessaire de préciser que d’un point d’observation tel que la colline de Saint-Lié le paysage est un « belvoir, un beauvais, un montmirel, un beauregard… », soit un lieu d’où l’on voit au mieux et qui, en principe, se voit également de loin. Tel est bien le cas de Saint-Lié, visible autrefois depuis Reims, et endroit où la vue s’étend jusque Reims et l’étendue de la Champagne environnante. Pas surprenant qu’il fut un lieu sacré hérité des cultures celte, romaine et leurs héritières successives. Ici souffle de par nécessité le vent des âges, sans commencement ni fin. Ni finalité mais avec faim. Nous donnons sens aux choses qui n’en ont pas, c’est bien ainsi.

Tableau historique statistique et topographique de la montagne de Saint-Lié, et des villages de Ville-Dommange et Sacy, canton de Ville-en-Tardenois, arrondissement de Reims, département de la Marne, présenté à la société d’agriculture, commerce, science et arts du département de la Marne en 1827 par Povillon-Piérard, de Reims, l’un de ses membres correspondants.

                « En effet il suffit de choisir la plus belle journée, soit en été, soit en hiver, pour apprécier les jouissances que procurent à l’œil et à l’âme du voyageur les lieux qu’on découvre lorsque l’on est sur cette montagne. Au lever de l’astre du jour, et lorsqu’il commence à dorer les guérets de nos campagnes, on voit la ville de Reims dans toute sa plus grande étendue, sortir d’une épaisse rosée, et semblait s’élever vers le ciel avec cette belle forêt qui borde si avantageusement ses murs de ce côté ; autour d’elle et dans le lointain on croit voir à ce même moment toutes les montagnes qui l’environnent prendre naissance de ces nuages légers qui en surgissent, afin de ceindre cette ville superbe d’un double diadème formé par la nature. Les vastes plaines, les riches prairies, plus de trente-deux villages qui se trouvent dans cet espace de près de vingt lieux de circuit, attendent ainsi que les rayons de cet astre, principe de chaleur et de vie, les faisant naître peu à peu, en les dégageant de ce fluide nutritif, qui en se balançant majestueusement devant lui, se perd insensiblement dans l’atmosphère, pour y reparaître encore à son coucher, et recommencer nos jouissances. … …

                La Vesle, cette belle naïade aux cheveux argentés, et qui lui tresse, le matin et le soir, de ses mains humides, une couronne de nuages légers, verse à ses pieds son urne salutaire, si chère à la santé des habitans de cette ville, et si précieuse pour leur industrie. Çà et là s’élèvent majestueusement de vastes bâtimens, vrai s foyer d’activité commerciale ; partout aussi sur les bords fleuris du lit de cette nymphe rémoise, sont des usines utiles à la vie de plusieurs milliers d’individus, peuplant l’immense terrain que nous explorons. »

                L’auteur évoque encore, plus loin, « Bacchus majestueusement assis sur sa pente, et le thyrse à la main montrant avec orgueil son vaste empire établi sur cette longue chaîne de montagnes et de collines. … À nos pieds et sur la pente de la montagne de Saint-Lié, ce n’est plus Bacchus au visage rubicond, qui y étale ses brillantes productions mais Vertumne, assise sur un modeste gazon qui de ce côté tapisse la montagne, et semble se perdre dans un espace de terrain moins fécond encore. » Précédemment il avait mis en valeur l’histoire religieuse de Reims et celle de la paroisse Notre-Dame de Saint-Lié qui contrôlait Jouy, Villedommange, Sacy, Clairizet et Saint-Euphraise, non sans avoir longuement évoqué la vie de saint-Lié, la dédicace à Saint-Jean Baptiste en 830, le transfert des reliques du saint éponyme après sa mort qui est datée de 533 ou 534.

Reims et les villages proches de Villedommange depuis la butte de Saint-Lié

La butte de Saint-Lié mesure environ 150 m x 120 m, elle a une élévation d’environ 5m par rapport aux vignes environnantes et se situe à une altitude de l’ordre de 225 m. Nous donnons ici une vue aérienne extraite du site Google Earth. Nous terminons l’article par la photographie de la sculpture figurant Notre-Dame de Saint-Lié, bien connue des pélerins et des promeneurs.

« Villedo », l’île de Sumbawa et le volcan du mont Tambora

Comment peut-il y avoir un rapport quelconque entre deux lieux si éloignés, l’un dans le département de la Marne en France, l’autre dans une île d’Indonésie au nord-ouest de l’Australie ? La notion de globe rapproche ces entités géographiques dans la mesure où notre terre est un système, une biosphère, dans lequel une modification locale d’importance affecte l’ensemble.

Villedommange

Villedommange sous la neige, fusain J.-P. Boureux 2009

Comme aurait ouvert Clémenceau : de quoi s’agit-il ? Nous sommes en 1815 et, bien loin de la « Montagne de Reims, entre en éruption le volcan Tambora, puissante explosion, la plus importante des cinq derniers siècles. Le mont s’est effondré d’environ 1400 m et la base de son cratère, la caldeira, avoisine quatre kilomètres de diamètre. Le dégagement de gaz, lave, cendres sulfureuses est considérable et se répand très haut dans l’atmosphère terrestre. Le climat est modifié pour au moins trois années, avec une baisse moyenne de 1 à 3° des températures, selon la circulation des masses d’air, l’incidence des rayons solaires et la proximité des faits. 1816 est connu comme étant « l’année sans été« , l’éruption principale ayant eu lieu entre le 5 et le 10 avril 1815.

localisation approximative des lieux cités dans l'article

localisation approximative des lieux cités dans l’article

Après la lecture d’un article de Nathaniel Herzberg dans Le Monde ‘Sciences et Médecine’ du mercredi 25 janvier 2017 qui relate les travaux de Karen Alexander de l’Université du Massachusetts à Amherst relatifs à la modification des pratiques de pêche dans le golfe du Maine suite à cette éruption volcanique géante, j’ai idée de vérifier une éventuelle incidence en Champagne. Or nous disposons de plusieurs éléments quantifiés quand il s’agit des vendanges.

A ‘Villedo’, comme on raccourcit ici en lieu de Villedommange, une source documentaire d’un grand intérêt est « le Livre vert » dont la rédaction fut entamée par un paroissien en 1776 et jamais arrêtée totalement. En 1995 un oncle de ma femme, Pierre Dhuicq, constatant l’état de vétusté avancée du registre, prend alors pitié de l’ancêtre à la mémoire d’éléphant et prend contact avec votre serviteur, qu’il sait amoureux des antiquités bavardes -à l’écrit. Alors chargé de mission du Président de l’Université de Reims-Champagne-Ardenne, Jean Rémond, dans le cadre de la première évaluation nationale de cette institution, je prends en considération le malade et sollicite l’intervention complémentaire du Président du Conseil Général Albert Vecten. Ensemble nous imposons au malade une cure de rajeunissement qu’il accepte, sous condition d’être soigné par le relieur rémois expert et reconnu, Laporte, relieur-doreur, rue Maillefer, à Reims. Aujourd’hui chacun se félicite de l’ouvrage, si l’on peut dire et le « Livre Vert » continue sa vie dans les mains des paroissiens de Villedommange et villages réunis qui relatent les éléments majeurs de la vie locale, à la suite de leurs ancêtres. Des copies ont été déposées à la Bibliothèque municipale de Reims, Carnegie et aux Archives Départementales de la Marne.

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article de l'Union après remise du nouveau Livre Vert le 15 décembre 1990

article de l’Union après remise du nouveau Livre Vert le 15 décembre 1990 et au-dessus Incipit de l’ouvrage en 1776 par Gérard Philippart, marguillier

On lit dans ce grand registre d’environ 42 x 32 x 2,5 cm et 203 pages, relié en vert comme il se doit, que les vendanges de 1815, 1816 et 1817 ont été calamiteuses. Je cherche donc à élargir ce point de vue étroit et consulte l’ouvrage de Benoît Musset, Vignobles de Champagne et vins mousseux, histoire et mariage de raison : 1650-1830, Fayard, 2008. Dans cet ouvrage figure deux diagrammes des rendements entre 1674 et 1830 : l’année 1816 est la plus sinistrée de toutes les données relevées dans différentes sources. Point de doute désormais, l’éruption du mont Tambora a bien provoqué un refroidissement généralisé du globe terrestre. Que ceux qui doutent de l’effet des rejets dans l’atmosphère, quelle qu’en soit la cause, prennent conscience que tout phénomène, anthropique ou naturel, qui modifie les basses couches de l’atmosphère entraîne des modifications importantes du climat.