Est-ce bien raisonnable ? Est-ce dans l’esprit d’un enfant d’à peine 10 ans de s’entendre dire en mots ce qu’il souhaite voir et faire ? Ainsi le praticien ou l’enseignant, c’est tout un en ce cas, est rétif à expliquer : trop d’eau ou pas assez, trop de vert, blanc à réserver ici et là… Pourtant la demande et l’attente sont bien là et il faut y répondre.
Le choix du sujet importe peu ; ici on s’accorde à prendre pour thème d’inspiration un fond rocheux encadré de verdure, et forcément la voiture de papa, en circulation sur la photographie ci-dessous.
Faut se lancer, mouiller la feuille ou non, après avoir tracé les grandes lignes du décor. Et surtout observer longuement avant de jeter la couleur sur le papier.
L’ancien lavoir de Paissy, ruiné depuis la Grande Guerre, aux pierres grises chauffées d’autant qu’elles ne voisinent plus avec l’eau, sont propices au fondement de la réflexion. Commencer par de claires touches est prudent, laisser la lumière envahir le papier plutôt que de vouloir remplir tout l’espace par d’énergiques tours de pinceau. Quel vert de la boîte ? Surtout pas du tout fait, fabriquer ses verts, ne point trop en mettre. Laver, griser, colorer ces verts envahissants ; mais là est la difficulté et pas seulement pour le débutant, tout à sa tâche ici.
Yannick est entré dans son sujet et s’engage dans le motif comme dans le papier, fait corps avec la feuille sans trop s’occuper de ce qui est dit. Le sujet n’est pas d’imagination mais la liberté de s’échapper du réel doit être vécue au travers de la recherche des couleurs les plus appropriées à rendre un effet de chaleur et de végétation dense.
C’est une première. On reviendra sur le motif ou sur le papier sans modèle. La satisfaction est grande d’avoir réalisé quelque chose de nouveau, quelque chose à soi. Des phrases dites resteront en mémoire, blotties jusqu’à la prochaine ouverture de la boîte de couleurs, indisciplinées comme des djins soudainement libérés.
Devenez magiques, mots bruissants des espoirs du peintre : aquarelle, aquatinta, watercolor. Rêves d’eaux luxuriantes, de couleurs ruisselantes, d’ exactes lumières. Alors le maître aura gagné. A suivre donc, pour confirmer.
C’était un matin de juillet 98, crachinant comme il en est chez Millet, vers Gruchy et Gréville. Notant à l’aquarelle sur le carnet, entre gouttelettes, un passant s’approche : –vous peignez par ce temps, Monsieur ? –oui, de la peinture à l’eau, ai-je répondu. –Excusez-moi, je n’y avais pas pensé ….répliqua-t-il.
Gruchy, rochers schisteux sous la pluie, aquarelle JP Boureux
Cette ambiance bon enfant m’incite à conclure avec Alphonse Allais :
« Les aquarelles faites à l’eau de mer se gondolent au moment des grandes marées. »