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Le « Jardin des Poilus »

Ce jardin, au fond comme tout jardin composé, n’existe que par la volonté de ses créateurs, il a du jardin la nécessaire artificialité. A sa manière il raconte un pan d’Histoire et n’appartient à la catégorie des jardins botaniques qu’à la marge. Sa petite surface vous permettra d’en faire rapidement le tour, si vous vous y perdez ce ne sera que par votre imagination.

Dans Paissy suivez la falaise, comme si vous étiez au bord de la mer. Vous êtes arrivés. Notre jardin s’ordonne dans l’opposition visuelle entre le vertical rocheux et l’horizontalité végétale, d’où de nombreuses lignes de niveau en correspondance avec les strates géologiques.
Ce n’est pas sa seule raison de paraître. En effet de sanglants combats affectèrent ce lieu dans les sombres années 1914-1918. Au printemps 1917, le seize avril, fut déclenchée ici la bataille du Chemin des Dames.
Alors pour promouvoir la paix quoi de mieux qu’un Eden parsemé d’arbustes et de fleurs ! Cent ans plus tard vous déambulez en compagnie d’espèces végétales souvent communes sur une faible surface d’un demi hectare, accompagnés de citations d’époque en provenance d’écrits de « Poilus ».
Notre choix : mettre en scène dans ce jardin l’histoire locale marquée par la vie des troglodytes qui ont perforé la falaise pour en extraire la pierre des cathédrales et le drame national et mondial que fut la Grande Guerre. Ici interfèrent la topographie du lieu et le souvenir des Poilus vivifié par des textes qu’ils ont écrits et dans lesquels le monde végétal qu’ils évoquent fut comme un havre de paix, un paradis perdu.
Ouvert les samedi 6 et dimanche 7 juin, de 10 à 12 et de 14 à 18 heures
Chez M. et Mme Boureux Jean-Pierre, 34 rue de Neuville, 02160 Paissy.
Contact :  jpbrx[arobase]club-internet.fr
Coordonnées GPS : 49° 25’ 37,67 N et 3° 41’ 58,30 E
Parking à proximité pour trois voitures, les autres le long de la rue.
Quelques détails supplémentaires ici : http://www.jardindespoilus.wordpress.com
Le « Jardin des Poilus » sur le site national du « Rendez-vous au jardin » :
http://rendezvousauxjardins.culturecommunication.gouv.fr/Histoire-s-de-jardins/Paix-retrouvee

Logo officiel "Jardin des Poilus" Paissy

 

 

 

 

 

un aspect du jardin en mai une arche découpée par la guerre dans le sous-boisci-dessous article du journal « l’Union« , édition de Soissons, datée du 30 mai 2015, p. 12 :

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image Google Earth

image Google Earth

exemple d'un des textes affiché dans le jardin

exemple d’un des textes affiché dans le jardin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

16 avril 1917 et les marches de Craonne aujourd’hui.

Chaque année des centaines de marcheurs guidés notamment par M. Noël Genteur, habité par le souvenir tragique d’avril 1917, parcourent les collines du Chemin des Dames dans les pas des combattants encore bien décelables dans les tranchées et trous d’obus du ‘Plateau de Californie’ et des espaces voisins. La déambulation mémorielle débute à 5 h 30 pour se terminer tard en soirée autour des croix illuminées du cimetière militaire de Craonnelle. Nous avons déjà évoqué ce fait et le 16 avril 1917 sur ce blog ici :

http://voirdit.blog.lemonde.fr/2008/04/14/16-avril-1917-lheure-h/

Cette année une trouvaille inattendue survenue en novembre dernier alors que je prenais un peu de sable cuisien sous l’étage lutétien de ma cave m’inspire ces lignes. En effet à peine avais-je pelleté en vue de planter des endives qu’un brodequin est apparu. Surprise, les godasses, godillots, croquenots et autres souliers de nos poilus sont d’ordinaire des fragments tout noirs, craquelés, cassants alors qu’en ces heures m’arrive une chaussure montante fort bien conservée, brun clair, encore un peu souple et pourvu des oeillets et clous caractéristiques de cet équipement indispensable au poilu. On reconnaît du reste à la semelle les modèles réglementaires de 1912, modifiés à plusieurs reprises, qui montrent une partie de l’avant de la semelle dépourvu desdits clous.

Surprise plus grande encore le soldat -qui était grand, la pointure est de l’ordre du 44, avait pris soin de garnir l’intérieur de son brodequin d’un fond de foin qui subsiste étrangement. La bonne conservation de cette sorte de relique tient au fait que le sable qui l’a remplie et entourée est un milieu sans oxygène, de faible humidité constante et quasiment sans variation de température.

brodequin de poiluavant du souliersemelle de brodequin de poiluEn ont-ils fait des kilomètres tous ces poilus dont certains ont achevé leur parcours dans les ravins qui jouxtent cette cave, ravins de la Dhuys et du Mourson, de Paissy, de Troyon…. !  Sans cesse affleurent sur ce champ de bataille des débris en tout genre qui témoignent de ces vies stupidement fauchées. Il n’est pas même nécessaire que la mémoire agisse par elle-même, sans raison apparente, chaque découverte fortuite nous entraîne dans le souvenir douloureux de ces quatre années de cauchemar.

« 22 septembre 1917. PC Frise*. Cette nuit aménagement de la tranchée de soutien. Mise à jour de macchabées, comme disent dans leur impitoyable argot les poilus : le sol est comme farci de cadavres. Partout où l’on fouille la pioche coule brusquement dans la pauvre chair humaine décomposée ; elle délivre subitement de cette terre maudite des bouffées de puanteur. … … Celui trouvé cette nuit a été enseveli le long de la tranchée. Il est couché dans le sens du nouveau tracé, et le hasard du creusement a fait apparaître, débordant  la paroi à hauteur de poitrine des passants, un pied dans son brodequin, une main dans son gant noir de chair décomposée… »     

* vers Troyon, Moulins, Paissy

Coeurdevey Edouard, Carnets de guerre 1914-1918, Plon, 2008, 932 p. (Extrait p. 630)

Pour conclure sur une note plus gaie voici ce que rapporte Joseph Tézenas du Montcel le 5 février 1917, depuis le Ravin de Troyon :

 » …Les huit coups de canons de la batterie de Paissy nous ont rappelé que l’heure du déjeuner approchait. Je suis revenu affamé -comme d’habitude- ! et j’ai trouvé le capitaine, pour qui le confort en campagne n’est pas un vain mot, très occupé avec son ordonnance à passer la revue de ses six paires de chaussures : il a la manie de la chaussure -manie qui se conçoit d’ailleurs chez un fantassin, et que je partagerais volontiers- et il y a quelque chose de touchant dans le soin qu’il leur prodigue.  »                   Joseph Tézenas de Montcel, L’heure H, Etapes d’infanterie 14-18. Economica, 2007, 404 p. (Extrait p. 103) 

après avoir tant marché, brodequins et bandes molletières aux pieds, le poilu s'assoupit.

après avoir tant marché, brodequins et bandes molletières aux pieds, le poilu s’assoupit.

Dessin de Sem dans ‘Un pékin sur le front’, Pierre Lafitte, 1917 et du même auteur : « … d’un petit pas nerveux, ils martèlent, égratignant le sol pierreux et des étincelles jaillissent de leurs souliers ferrés… »      

 

Alan Seeger et le Chemin des Dames

 

Portrait photographique d'Alan Seeger à Harvard vers 1910

photographie publiée dans l’ouvrage en français de 1918

AILLEURS  ET  AU-DELA : ALAN SEEGER  ET  LE  CHEMIN  DES  DAMES

        Mort trop jeune Alan Seeger (1888-1916) est peu connu en France bien qu’une statue soit érigée à sa mémoire Place des Etats-Unis à Paris, sur le monument dédié aux volontaires américains de la Grande Guerre. Ici même, au Chemin des Dames, le collège « ‘Alan Seeger’ » de Vailly-sur-Aisne manifeste sa présence dans notre région et honore ce combattant engagé volontaire dans la Légion Etrangère en 1914.

bandeau annonce du site du collège 'Alan Seeger' de Vailly-sur-Aisne : http://etablissements.ac-amiens.fr/0020065k/siteweb

Ses écrits de la période de guerre ont été publiés en français dès 1918 chez Payot. Ils comprennent son journal, des lettres adressées à diverses personnes et une vingtaine de poèmes. C’est donc assez peu mais ce fut suffisant pour que des hommes aimant la littérature retiennent son nom et son œuvre et aient eu envie ensuite de faire connaître cet auteur étranger ‘mort pour la France’.

Un jeune venu d’ailleurs.

        Alan Seeger est né le 22 juin 1888 à New-York. Les enfants Seeger sont incités très tôt à s’intéresser à l’art et à la littérature. Ils habitent une maison sur les coteaux de l’île de Staten, vers Richmond. En face, à leur vue, la célèbre colonne de la Statue de la Liberté et à droite le pont de Brooklyn : paysage maritime favorable à l’ouverture d’esprit aux forces jaillissantes du ‘nouveau monde’. A douze ans le jeune Alan accompagne ses parents à Mexico pendant une dizaine d’années. Du nouveau encore en 1902 quand Alan est envoyé aux Etats-Unis pour études, études qu’il réussit et qui lui ouvrent l’accès de l’Université d’Harvard en 1906, de laquelle il sort diplômé en 1910. Là le jeune Alan est tout entier tourné vers la littérature et la poésie, l’histoire médiévale et accessoirement le sport ; il vivait dans un ailleurs auréolé de passions littéraires, rêvé autant que vécu. Puis il séjourne à nouveau deux ans à New-York et se rend à Paris en 1912, tournant décisif de sa vie. Il y fréquente des artistes et écrivains et s’éprend de cette ville, l’un des phares de la civilisation occidentale. Ses poèmes ou articles pour le « Mercure de France » et autres revues sont lus par des abonnés attentifs qui repèrent vite cet écrivain. Le printemps et l’été 1914 le voient à Londres. En août il  s’engage dans la Légion Etrangère avec une cinquantaine de compatriotes pour défendre Paris et la France. 

Un combattant dans les tranchées, un littéraire : quand l’ailleurs rejoint des au-delà.         

Alan rejoint le 2 ème Régiment Etranger à Toulouse. Le 4 octobre il est en Champagne et le 20 dans les Marais de Saint-Gond. Le 27 on le voit à Fismes et Cuiry-les-Chaudardes. Dès lors Alan Seeger est un combattant du Chemin des Dames, cela jusqu’au 17 juin 1915, soit sept mois et demi passés sur notre territoire. L’été 1915 le voit en Haute-Saône et en Champagne à nouveau. Malade de février à avril 1916 il est hospitalisé à Paris et Biarritz puis rejoint le front en mai, celui de la Somme. De mai à juillet il combat autour de Péronne et est tué le 4 juillet à Belloy-en-Santerre.

Durant les sept mois et demi de son séjour en notre secteur Alan Seeger rédige son ‘journal‘, écrit aux intimes, compose des poèmes. Dans sa guerre il transfigure le monde qui l’entoure et s’échappe ainsi partiellement du quotidien, il n’est pas différent en cela de quelques artistes et écrivains combattants. Le 28 avril 1915 il envoie un long article au « New-York-Sun » dans lequel il décrit la vie quotidienne des troupes à Craonnelle, ce qu’il voit, ce qu’il fait. « …Nous partîmes quinze hommes il y a quelques nuits pour reconnaître un nouveau fossé apparu sur le haut du coteau, sous les lignes allemandes. La lune à son premier quartier, presque entièrement voilée de nuages, rendait les conditions favorables. … Encore une fois, le passage familier à travers ses rues barricadées, entre ses murs criblés et ses toits squelettiques, puis nous gravîmes la colline par un fossé de communication avec les tranchées avancées. … »

villages de Craonnelle et Craonnevillages de Craonnelle et Craonne depuis le plateau de Paissy

On y lit également une description de Paissy tout à fait juste : … »Suivi cette route jusqu’à Fismes, et ainsi de nouveau au plateau de Merval. … Tourné la route de Laon et, par Moulins, arrivés à Paissy sur le plateau où nous relevâmes le 6e de ligne qui était ici depuis octobre. Village pittoresque bâti le long d’une route qui surplombe un ravin en fer à cheval. Le fond tapissé de coquelicots, cascades, perspectives lointaines. «   ;

brouillard dans le ravin de Mourson à Paissy, situé entre le village de Paissy et le ravin de Troyon à Vendresse

de même que celle du ravin de Troyon :  » … Nous sommes à l’entrée d’un profond ravin qui commande une jolie perspective en triangle sur la vallée de l’Aisne et le plateau au-delà, à travers un cadre de feuillage. … une paresseuse période de repos presque complet. … ils appellent cela la guerre. » Son poème « des hommes en armes » dévoile une troupe assaillante presque comme l’aurait décrite un chroniqueur des croisades. Quasi indifférent aux horreurs de la guerre, ce qui l’intéresse c’est l’héroïsme, le sacrifice, la beauté de l’action combattante comme on peut le lire, entre autre, dans une strophe de la célèbre « Ode à la Mémoire des volontaires américains tombés pour la France » et lue à Paris le 30 mai 1916 devant les statues de Lafayette et de Washington.

« … Il est juste de joncher de branches de lilas et des premières roses du printemps les cénotaphes de ceux qui, pour défendre la plus chère des causes de l’histoire, tombèrent au matin lumineux, à la fleur de leurs jeunes années ! « …

Oui, paradoxalement, Alan est heureux dans la guerre «antidote à la civilisation» qui lui fait oublier les médiocrités de l’ordinaire. Il vit largement dans l’ailleurs et le rêve, embellissant par avance la mort du combattant engagé, héros en devenir. Ainsi l’exprime-t-il dans une poésie devenue célèbre «J’ai un rendez-vous avec la mort» que nombre d’Américains connaissent par cœur et qui figurait sur le carnet personnel du Président Kennedy. Cette mort attendue, parfois désirée et rarement crainte il la trouve le 4 juillet 1916 lors de l’assaut de Belloy-en-Santerre par la Légion où les combats sont violents dans les ruines du village. Les pertes du régiment sont énormes, de l’ordre de 800 morts pour une victoire qu’Alan n’a pas connue. Nous reviendrons sur ce tragique épisode dans une autre note de ce blog.

Alan a combattu pour la France en référence à sa culture et en liens mémoriels avec La Fayette, il ne se bat pas contre l’Allemagne : «…je me suis rangé naturellement du côté où j’avais le plus d’obligations. Mais qu’il soit bien compris que je n’ai pas pris les armes par haine des Allemands ou de l’Allemagne, mais par amour pour la France. »  Journal, 31 juillet 1915.

Dans l’insouciance ordinaire de la jeunesse il transcende la guerre pour en faire quelque chose au-delà de l’ordinaire. Pas étonnant qu’il fut repéré parmi d’autres par Pierre Teilhard de Chardin : «… Rencontré aussi, dans un vieux numéro des Deux-Mondes une étude intéressante sur un jeune poète américain tué à la guerre (Alan Seiger –sic-) dont les ‘Juvenilia’ m’ont paru parcourues d’une sève de ‘passion cosmique’ authentique. »

Son écriture n’a pas le ton de la modernité telle que la mettent en scène d’autres auteurs contemporains. Toutefois il faut nuancer cette assertion du fait que la traduction française  au pied de la lettre ne rend pas la présence sonore des vers anglais. Lisez vous-même dans la dernière strophe du poème ‘Champagne’ :

« Drink to them –amorous of dear Earth as well,                                                                         They asked no tribute lovelier than this –                                                                                      And, in the wine that ripened where they fell,                                                                                     Oh, frame your lips as though it were a kiss»

[Champagne, France, july, 1915]

Traduction littérale : «Buvez à eux –pleins d’amour pour la terre chérie ! ils ne demandent pas de plus éloquent témoignage de tendresse – et dans le jus de la vigne qui a mûri à l’endroit même où ils tombèrent, oh ! trempez vos lèvres comme si vous leur donniez un baiser».

Traduction libre de Paul Rivoire :

«Buvez !… Dans le vin d’or où passe un reflet rose                                                                 Laissez plus longuement vos lèvres se poser                                                                                     En pensant qu’ils sont morts où la grappe est éclose,                                                                      Et ce sera pour eux comme un pieux baiser»

Principales sources :

– Alan Seeger, Le poète de la Légion Etrangère, ses lettres et poèmes écrits durant la guerre réunis par son père et traduits par Odette Raimondi-Matheron. Payot, Paris, 1918, 317 p.

– Irving Werstein, Sound No Trumpet, the life and death of Alan Seeger, Thomas Y. Crowell Company, New-York, 1967, 137 p.

sur internet la poésie d’Alan Seeger est largement présente ici :

http://www.theotherpages.org/poems/books/seeger

Quand le monstre laisse des traces ténues…

Sans doute faut-il être bon observateur pour découvrir des signes rares ou énigmatiques,  avoir la main heureuse ou encore un bon guide ; les décrypter ensuite relève de la fantaisie et de l’imaginaire confrontés à l’expérience du réel.

Ce jour-là mon guide fut mon cousin homme de lettres et de culture, ami des boucles de l’Aisne ou des Hauts crayeux peuplés d’oiseaux, Guy Féquant. Il me propose de déchiffrer un message laissé involontairement par un Allemand de passage à Barby. Je vous donne ce message :

Un mur de craie en moellons équarris et appareillés. Comme bien d’autres murs de cette région de la vallée de l’Aisne proche de Rethel, quand la pierre est craie avant que de disparaître et laisser place au bois et torchis ou encore à la brique, ici en soubassement et en mur latéral.

Je vous donne un indice supplémentaire par agrandissement et détail centré sur notre propos :

traces de chenille de char sur craieCette fois vous constatez des marques avec trois ou quatre bandes en arc surmontées de deux profondes rayures. Si vous n’avez trouvé je vous donne la solution car l’énigme semble bien obscure : il s’agit de la morsure d’une chenille d’un monstre d’acier nommé Panzer en allemand car la tradition locale attribue en effet cette blessure de la pierre à un char allemand dont le chauffeur s’est trop rapidement et imprudemment engagé dans une ruelle étroite du village de Barby. Des anciens du village ont peut-être noté la date exacte mais puisqu’il s’agit du jour où les armées nazies ont déferlé vers le sud ou bien ont longé l’Aisne avant de la franchir il est possible de situer à quelques jours près l’évènement.

« Par Porcien, Wadimont, Fraillicourt. C’est une contrée où j’étais déjà venu en 1915. Je me souvenais de ses maisons en craie blanche, de ses portes et fenêtres si joliment bordées de lisières de briques rouges. … » (1)

En effet une âpre bataille se développe à Rethel entre les chars de Guderian et les combattants du 152 e RI pour contrôler le passage de l’Aisne, du 16 au 20 mai 1940. A l’ouest de Rethel l’Aisne était franchie le 9 juin et Barby se trouve entre Rethel et Château-Porcien en bordure d’Aisne. L’épisode du char se situe donc dans la fourchette chronologique du 20 mai au 9 juin 1940.

Immédiatement perceptible mais inexplicablement conservé dans une de ces cavités nommée creutte, un fragment de journal allemand tel que je l’ai trouvé enfoui sous quelques pierres à Paissy, puis photographié :

fragment de journal allemand du 28 mai 1940Trace infime, trace impondérable du passage d’une troupe allemande dans les creuttes de Paissy aux environs du mardi 28 mai 1940 comme il est écrit ici. Une recherche rapide m’apprend que les Allemands occupent Laon le 17 mai 1940 et que les armées françaises en recul font sauter tous les ponts sur l’Aisne le 20 mai entre Soissons et Neufchâtel-sur-Aisne. Des soldats du IIIe Reich peuvent donc être à Paissy entre le 18 mai et ce 20 mai et notre journal a été abandonné par un des leurs environ une semaine après leur entrée dans ce terroir. A moins qu’il ne s’agisse d’une arrivée un peu plus tardive encore, après notre temporaire victoire de Montcornet-Sissonne contre les divisions blindées, à l’initiative de De Gaulle et de ses chars le 24 mai. Quoi qu’il en soit ce journal est une preuve infime et insignifiante de l’Occupation, entre exode et retour des populations civiles.

Le témoignage d’Ernst Jünger, deux semaines plus tard environ, souligne encore des combats d’artillerie vers le Chemin des Dames :

« Je trace ces lignes après avoir pris une douche à la salle de bains, assis sur la terrasse, tout en sirotant des liqueurs telles que Cointreau et fine champagne, que nous avons trouvées dans le bar de notre logis. A la distance d’une petite étape à pieds, du coté du Chemin des Dames, résonne le feu des artilleries : lentes accumulations d’éclatements, semblables à des écroulements de montagnes. … » (2)

(1) Bucy-les-Pierrepont, 29 mai 1940

(2) Laon, 7 juin 1940  par :

Ernst Jünger, Jardins et routes, Plon, 1942. Ernst Jünger, combattant distingué en 1914-1918 et écrivain renommé, séjourne à Laon avec son unité la XCVIe division, du 7 au 15 juin 1940, il arrive après avoir cantonné à Gercy puis Toulis et avant de gagner Essômes-sur-Marne puis Montmirail.

France et Allemagne à Cerny-en-Laonnois et Paissy

Samedi 21 mai 2011 le Mémorial de Cerny-en-Laonnois accueille une famille allemande venue manifester sa volonté d’honorer un ancêtre tué au Chemin des Dames en mai 1917. Une plaque de marbre fut posée dans le Mémorial. Après quelques brefs discours orientés dans le sens de la réconciliation franco-allemande, un moment de recueillement et des évocations historiques (dont la rencontre de De Gaulle et Adenauer en juillet 1962 *) se sont déroulés dans les cimetières français et allemands.

M. Edgar Gerstner, Mme de La Maisonneuve, M. le Général Pillon
personnalités présentes
délégation du VdK
délégation du VdK
famille Paul Dumont
présence de la famille « sergent Paul Dumont »
dévoilement d'une plaque au "sergent Eduard Miles"
dévoilement de la plaque « sergent Eduard Miles »
plaque au sergent Eduard Miles
sergent Eduard Miles tué ‘au Winterberg’ près de Craonne en mai 1917

Le thème de la journée trouvait un écho l’après-midi à Paissy : le sergent Dumont a en effet été blessé dans cette localité en avril 1917 et là encore une plaque fut posée en sa mémoire dans l’espace jouxtant la Salle Communale où figurent déjà des plaques d’émail relatant des épisodes de la Première Guerre Mondiale en ce village du front.

discours à Paissy
discours des officiels
discours des officiels à Paissy
M. le Général Pillon présente le sergent « Paul Dumont »
plaque "sergent Paul Dumont"

dévoilement de la plaque "Sergent Paul Dumont" à Paissy

"sergent Dumont"

plaque commémorative "sergent Paul Dumont"

Dans le même temps une exposition de documents racontait dans la Salle Communale la présence à Paissy en guerre de Pierre Teilhard de Chardin, celle de l’ancien « Arbre de Paissy » et évoquait la vie des deux sergents :

Pierre Teilhard de Chardin à Paissy
évocation de « l’arbre de Paissy » et de Pierre Teilhard de Chardin
Paul Dumont vu par M. Marc Cola
le sergent Paul Dumont librement interprété en peinture par M. Marc Cola
chope de réserviste 'sergent Miles'

la chope de réserviste du sergent Eduard Miles

carte de décès du sergent Eduard Miles

carte du décès du sergent Eduard Miles

Auparavant, selon les souhaits du Conseil municipal un nouvel « Arbre de Paissy » a été planté à proximité de l’endroit où il était jusqu’en 1914, sur le plateau surplombant Paissy :

explications historiques par M. J.-P. Boureux à côté de M. F. Béroudiaux maire de Paissy

M. Fabrice Béroudiaux maire de Paissy

discours de M. F. Béroudiaux maire de Paissy

extrait du Journal des Marche et Opérations du 4ème RTA en septembre 1914 mentionnant "l'arbre de Paissy" et le décès du Commandant Barrois

En soirée une messe fut célébrée en l’église saint-Remy de Paissy par M. l’abbé S. Servais, aumônier militaire, autour du thème de la paix, de la réconciliation et des textes extraits de l’oeuvre de Pierre Teilhard de Chardin ont été lus par des membres de la famille du Passage-Teilhard.

Que toutes les personnes qui d’une manière ou d’une autre nous ont apporté leur aide ou soutenu par leur présence soient remerciées.

Les photographies de cette page sont de MM. J.-Pierre Boureux et Edgar Gerstner

* cette rencontre n’a pas eu lieu. Dans « La lettre du Chemin des Dames », n°25, été 2012, M. Guy Marival explique comment il est arrivé à cette certitude. En historien objectif il rétablit la vérité sur cet épisode inventé et propagé entre 1962 et aujourd’hui. Pour décevante qu’elle soit, peut-être, seule la vérité importe.

Guy Marival, Enquête sur sur un événement qui n’a pas eu lieu, dans « La lettre du Chemin des Dames », n°25, été 2012, p.3-7.