Bien difficile de décrire les bruits qui nous entourent. De l’entrée d’une creute j’entends, très proche, le chuintement aigu d’une chauve-souris à l’abri d’une crevasse et immédiatement au-dessus de la falaise les pépiements d’appel d’un couple de mésanges bleus occupé à charrier de la mousse pour remplir une cavité, suivis de l’éclatement soudain d’une trille flûtée d’un troglodyte. A quelques pas le martellement d’un pic à l’intérieur d’un vieux tronc de frêne anime le sous-bois d’un tambourinement continu et rapide distribué en salves courtes. La présence de l’oiseau m’était signalée en outre par la projection au sol d’une multitude de copeaux lancés à la volée.
A quelques centaines de mètres des pics noirs communiquent par code connu d’eux seuls, dans un crépitement puissant, très au-dessus de celui du pic-vert qui, tout d’un coup passa sa tête empourprée et s’élança dans le sous-bois qu’il salua de son habituel rire inimitable. Dans le vallon le claquement d’une porte de benne provoqua le coup de klaxon du faisan auquel fit écho un cageolement de geai des chênes * et plusieurs hullulements de hulotte. Dans les hautes ramures rousses aux lourds bourgeons gonflés de sève, un couple de ramiers ronronne et un écureuil voltige. Surpris de me voir il s’agace, observe en tournant autour d’une branche maîtresse et secoue violemment sa queue déployée en panache rouillé. En colère il crachouille un peu comme un lérot puis disparaît d’un saut habile sur un baliveau proche. Des merles font bruire des feuilles mortes au pied d’un érable et signalent ainsi leur présence tandis qu’une linotte pousse la chansonnette bec grand ouvert, bientôt suivie du répertoire mélodieux et varié d’une fauvette à tête noire. Ce matin le concert est magique, en pleine stéréophonie, chargé des promesses d’un printemps tardif et toujours enchanteur.
Sur la pierre à usage de banc, auprès de la cascade, l’envie me prît, non d’enregistrer ces sons, mais d’évoquer par le trait et les mots cette magie annuellement mise en scène. Une malhabile entreprise de haïku et quelques touches de pastel gras sur le carnet de croquis suffisent à dire en peu de mots, en peu de traits, le retour toujours attendu du printemps.
* Le geai des chênes, que l’on sait beau parleur me dit : « tu veux ma photo ? » Non, répondis-je, je l’ai déjà, avec bien d’autres portraits d’oiseaux photographiés par Gaston Gast et Patrick de Korte, dans « Au plus près de l’oiseau« , paru aux éditions VM en 1999. Je vous la livre, tronquée, vous incitant par ailleurs à vous rendre parmi ces pages qui offrent de splendides cartes d’identité d’oiseaux.